"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

26/11/2013

Les pensées du jardinier

 
« Le vrai jardinier se découvre devant la pensée sauvage. »
Jacques Prévert





Il était une fois un jardinier. Oh pas un professionnel, un simple jardinier du dimanche, juste l'heureux possesseur d'un petit bout de terre derrière l'appartement qu'il occupait. En avisé descendant du Candide de Voltaire, l'homme avait décidé d'y cultiver son jardin, d'y semer et d'y voir s'épanouir fleurs, fruits et légumes sains. Parmi toutes les beautés qui y poussaient, il avait pour ses pensées une affection particulière. Chaque jour, il passait quelques heures, souvent en fin d'après-midi, à prendre soin de ces fleurs qui faisaient son orgueil à lui.
Il passait du temps à quatre pattes, mains et genoux labourant la terre, y creusant les sillons de sa florale passion. Il aimait, quand il avait terminé, voir les paumes de ses mains brunies par le terreau, ses lignes de vie et de chance comme estompées sous la couche brune de son boulot. Il lui était agréable de sentir sur son visage, sous les gouttes d'une sueur qui lui paraissait être le jus du fruit de son travail, le soleil réchauffer sa peau. Il aimait plus que tout le parfum de ses fleurs. Souvent, il s'enivrait des senteurs de son jardin au cours de longues siestes, étendu dans la chaise longue qui trônait au milieu de ses parterres célestes.
Les fruits, les légumes nourrissaient son corps, mais l'odeur des fleurs étaient pour lui nourriture de l'esprit. Il avait accumulé un savoir insensé sur les violaceae mais avait su préserver l'émerveillement que lui contait l'éclosion de ces fleurettes violacées. Entre toutes, il avait sa préférée, un trésor aux pétales parfaits, mauves, parcourus d'éclairs violets, un arc-en-ciel de teintes colorant sa corolle, une couronne au blanc pur relevant le jaunes subtil des pistils. Quatre petites voiles tendues vers le ciel et une tournée vers la terre. Il aimait cette asymétrie, cette beauté hissée vers l'éther. Sa belle pensée, il la choyait, la laissant éclore un peu à l'écart des autres.

Un jour, l'homme dut s'absenter et resta éloigné de son jardin quelque temps, suffisamment pour que des herbes parasites en viennent à envahir les terres de ses pensées si pures. Parmi toutes ces herbes rustiques, il en était une qui s'était particulièrement développée. Elle avait poussé tout près de sa favorite et dépassait en taille la fragile pensée. Pris d'horreur devant cette tige verte, hérissée de fines épines, de feuilles rudimentaires et surmontée de bulbes grossiers, il coupa rageusement le brin de vie inopportun. Puis, comme il était harassé par son voyage, il alla se coucher.
Le lendemain, comme chaque matin, ses premiers pas le menèrent en son jardin. Il ouvrit les volets et découvrit avec horreur que l'herbe mauvaise avait repoussé avec plus de vigueur, qu'elle était encore plus haute que la veille au soir. De minuscules taches noires étaient apparues, telles des engelures au bout des délicats pétales de sa belle pensée. L'homme, reposé par sa nuit, ne se laissa pas cette fois emporter par la fureur devant l'apparent désastre ; ses réflexes de jardinier expérimenté lui revenaient. Il savait qu'il lui faudrait éradiquer cette herbe folle, en prenant bien soin de retirer toutes les racines du sol. Une fois son petit déjeuner terminé et sa toilette faite, le jardinier s'arma de ses outils et de sa patience, et partit s'attaquer à l'effronté chiendent. Il commença par tendre un voile pudique autour de sa pensée unique. Il ne supporterait pas de voir sa beauté maculée de terre d'un geste maladroit, ni qu'une épine vengeresse ne déchire de ses pétales le velours délicat. Aux racines sans éclats, la terre noire ; à l'abstraction éthérée, la poésie des fleurs colorées.
Après avoir délimité le champ de sa bataille contre la laideur, la folie, la sauvagerie, le désordre né au sein de ses pensées harmonieuses, il creusa délicatement autour de la sauvageonne une tranchée, un cercle parfait. Puis il approfondit sa percée et, lorsqu'il s'estima suffisamment enfoncé, de ses mains gantées, il se saisit de la tige rebelle et commença à en secouer les vermicelles. Il y eut un instant de résistance, puis il souleva, tout en agitant pour détacher les paquets de terre pris dans le fatras des radicelles, la plante maligne. Lorsqu'il tira une dernière fois pour sortir la totalité de l'horreur herbacée, il sentit une légère résistance. L'onde sourde d'un craquement parcourut la tige. Il poussa un juron. Puis balançant l'herbe importune sur l'amas de compost, il replongea les mains et les yeux dans la terre brune à la recherche du petit bout de chaos rescapé de l'éradication. Mais, plus il creusait et plus il découvrait l'enchevêtrement des filaments nourriciers. Il leva les yeux et pris conscience de l'étendue souterraine de l'invasion de son jardin. Tel l'iceberg qui fit couler le titanesque orgueil humain, les pousses vertes qui faisaient tanguer son navire de nature perdu sur la mer d'asphalte, l'immensité du désastre demeurait encore invisible. Il reprit alors la lutte en commençant par déraciner méthodiquement chaque poussée chaotique. Plus petites, leurs racines étaient moins développées, mais bien qu'enracinées plus superficiellement, elles tissaient un maillage serré sous l'épiderme terrestre.

Tel Sisyphe, heureux, le jardinier recommençait chaque jour son méticuleux travail d'extermination du végétal maléfice. Quand, au bout de quelques jours d'un travail acharné, le jardinier crut enfin retrouver le ferment de ses fleurs débarrassé de tout parasite, que sa pensée chérie développait une vigueur nouvelle, il aperçut un léger renflement à l'endroit même où il avait livré bataille contre la plus laide des invasives. Le soir était tout proche et le jardinier estima qu'il pouvait sans remords aller dormir et reprendre la lutte dès les premières heures du soleil suivant.
A son réveil, l'herbe maligne avait atteint une taille improbable et s'était répandue en jeunes pousses tout autour de sa protégée. Il arracha avec véhémence les petites feuilles à fleur de sol, puis regarda avec haine l'arrogante herbe folle. Il alla chercher sa pelle, délimita à nouveau, mais en un cercle plus vaste, la tranchée de la bataille à venir. Avec toute la retenue dont il était capable malgré la colère qui lui obscurcissait les idées, il retira soigneusement la fleur sauvage, cette vie qu'il n'avait pas lui-même semée, cette idée de la barbarie plantée dans son jardin de pensées cultivées. Mais à l'ultime instant, il sentit le craquement étouffé de la racine brisée remonter le long de l'herbe, se transmettre à ses doigts, à la paume de sa main, à tout son bras. Il en aurait pleuré ; et il pleura, juste avant que n'éclate l'orage de chaleur qui avait pesé toute la journée sur son dos courbé. Il farfouilla encore un peu la terre, mais bien vite la pluie et la sueur lui brouillèrent la vue, et les gouttes d'eau, commençant à imbiber le terreau, rendaient impossible l'extirpation des racines du mal. Dépité et abattu, le jardinier rentra chez lui.
C'est plein d'une énergie nouvelle qu'il se réveilla le lendemain. Le soleil était revenu et, avec lui, l'optimisme du jardinier. A peine avait-il franchi le pas de la porte qu'il constata que de nombreuses petites pousses farouches redéployaient l'oriflamme de la piraterie jardinière. Il reprit la longue et méthodique guerre de l'ordre contre le chaos tout en surveillant du coin de l’œil le rétablissement de sa pensée la plus secrète. A la dernière attaque de sauvagerie, les taches noires avait gagné du terrain sur les tons vifs de sa corolle. Après quelques jours, sa favorite reprenait des couleurs et il crut cette fois avoir gagné la partie. C'est le cœur serein qu'il alla donc se coucher, pour la première fois depuis qu'il était revenu. Son père et sa mère ne s'entendaient plus et avaient décidé de divorcer. Bien que sa relation avec ses parents se soit distendue au cours des années, il avait été le témoin muet de la lente dégradation de leur entente. Et l'officialisation de leur séparation, la concrétisation de ce qui n'avait jusqu'alors été qu'un sentiment, l'avait touché. Il avait beau être adulte, avoir connu la répétition de l'amour et les affres du désamour, il était resté l'enfant de ses parents, dont il ne pouvait imaginer qu'ils redevinssent autre chose que l'entité à deux faces qui l'avait enfanté. C'est en suivant le fil de ce mirage, l'image jaunie d'un mariage vieilli, qu'il sombra dans les bras de Morphée.

Ce matin là, l'ignoble herbe du mal, cicatrice immonde sur le reflet de ses rêves de calme et de volupté, dressait fièrement le grand mât de son insolence. Il crut un instant devenir aussi fou que ces adventices qui envahissaient la terre entière. Il n'avait plus d'autres pensées et celle-ci, mauvaise, avait maintenant la hauteur d'un gratte-ciel. Toutes les autres, fleurs étrangères, fêlures exotiques, violettes en dentelles pouvaient mourir, si cela devait sauver la plus intime de ses pensées. De Sisyphe il délaissa les gants placides et revêtit pour son combat épique contre le désordre horticole, l'armure d'un don Quichotte de la Planta. Il chevauchait une excavatrice squelettique et tenait pour toute lance un long couteau désherbeur. Son armure de plastique n'était qu'un vulgaire tablier de jardin, mais sa détermination n'avait rien à envier à celle de l'ingénieux hidalgo de La Mancha, chevalier à la triste figure et combattant acharné des géants brasseurs de vent.
Cette fois, il s'enfonça le long du corps barbare et démesuré de la fleur du mal. La circonférence de la tige lui sembla prodigieuse et à la naissance, les racines formaient de larges autoroutes qu'il n'eut aucun mal à parcourir. Plus il s'enterrait, plus les embranchements se multipliaient, plus les appendices se démultipliaient, plus la limite entre les milliers de fines racines devenaient ténue. A une certaine profondeur, l'intrication était telle qu'il lui devint difficile de suivre les tenants et les aboutissants de ces minuscules vermicelles organiques. Il suivit, au détour du dédale végétal l'une de ces terminaisons radicales et, sans notions du haut et du bas, le fil de plus en plus épais de sa pensée. Émergeant de son trou, le regard caressant sa douce dulcinée sur le point de faner, il fit demi-tour et regagna aussitôt les profondeurs du terreau fertile, ferraillant sans relâche contre l'hydre d'un invisible mal. Dans sa rude bataille contre la folie, il tranchait maintenant à tout va, coupant les racines en quatre, sans plus distinguer dans l'entrelacs, celles de ses pensées apprivoisées et celles des insoumises adventices. Il percevait inconsciemment la vacuité de son combat, tant à cette échelle se dévoilait le continuum de la vie, la continuité bouillonnante du vivant qui reliait entre elles les racines de tout ce qui germait ici, à la terre nourricière. Il pouvait voir les sels minéraux aspirés par les poils racinaires de l'une ou l'autre branche du vivant. Il croisa quelques vers et bactéries, radicaux libres de toute racine. Il admirait le troc invraisemblable auquel se livraient sous terre les sœurs ennemies de son jardin. Herbes sages et folles pensées, les ramifications microscopiques s'enlaçaient ici en un corps à corps acharné et infini.

D'une profonde respiration il sortit la tête du champ de bataille et, illuminé par la déraison de son raisonnement et par la vue de sa favorite défraîchie, il décida d'employer les grands moyens pour déraciner l'importune herbacée. Troquant l'armure du chevalier errant pour le feu chimique d'un Prométhée sans principe de responsabilité, il inocula un violent poison, brûlure chimique qui par capillarité terrassa en quelques secondes la plante immonde.
Se recroquevillant sur elles-mêmes, comme prises par les spasmes d'une douleur aiguë, les racines corrompues de la folie se décomposèrent, se diffusant dans le substrat des pensées jardinières. Lorsqu'enfin sombra la grand voile de la sauvagerie, ce fut à côté du bulbe purulent de sa beauté chérie. Le mauve des pétales n'était plus le teint orgueilleux de la vie, mais le ton livide de la mort en sursis. Telles des mains rabougries, des doigts crochus refermés sur l'ultime souffle de vie, les lèvres de sa dulcinée se retroussèrent en une grimace mortifère sur ses pétales, chair de pensée désormais moribonde. Le jardinier, couvert de boue par sa guerre imbécile, se releva avant de retomber à genoux. Il restait hagard devant sa pensée souillée par la toxine qui avait l'herbe folle terrassé... petite fleur insensée qui avait à son maître, finalement, fait perdre la tête.



Nouvelle écrite pour le fanzine A bloc! #5 (novembre 2013)
Illustration: Garance

10/10/2013

Reflets abîmés


Paris respirait mal sous son ciel de plomb. La neige tombait à gros flocons et la ville revêtait son manteau d'hiver. Les feux régulaient les flots nerveux, les néons guidant les passants comme la nouvelle cartographie des nuits humaines. Les gens couraient à découvert ou sous le paradis d'un parapluie pour deux. Dans le ronronnement de la ville assoupie des sirènes de police zébraient la nuit et les gyrophares des véhicules hurlaient l'urgence sous les flocons tourbillonnants. La station Filles du Calvaire était bouclée. La neige épaisse donnait au Cirque d'Hiver un air triste que les premières lueurs du jour ne parvenaient à dissiper.
Le corps avait été découvert par l'employé qui levait le rideau de la station. Comme pour les victimes précédentes, la jeune fille était blanche, cheveux noirs. Comme les autres, elle n'avait plus de visage, remplacé par un masque de Blanche-Neige. Ses seins avaient été tailladés, sa poitrine ouverte, le cœur arraché. Son thorax tout entier n'était plus qu'une plaie béante, mais les meurtrissures étaient propres. La robe que portait la victime était vierge de toute goutte de sang. Une pomme à l'arsenic avait roulé au bas de l'escalier.
Les légistes s'affairaient et les agents fourmillaient sur la scène de crime, comme autant de larves se gavant des tissus morts de la défunte. C'était la quatrième victime en trois mois attribuée au « tueur de Blanche-Neige », comme l'avait surnommé la presse. L'inspecteur dégueula toute la bile de sa nuit blanche lorsque le doc releva le masque sur les chairs à vif du cadavre. Son regard noir et mort fixait la toile percée des étoiles de la nuit.
- Bordel, que quelqu'un lui couvre les yeux !


Les portes s'ouvrirent sur la cour intérieure. La voiture s'engouffra dans l'étroit passage. Les pneus crissaient sur le gravier enneigé et s'immobilisèrent. La neige tombait toujours au petit jour et Ellen courut jusqu'aux escaliers, son manteau tenu à bout de bras au-dessus d'elle. Elle enjamba les quelques marches et fixa son regard noir dans l’œil froid de la caméra. La porte s'ouvrit. Elle entra.
Ses talons claquaient sur la vieille pierre. La fée électricité embrasa les chandeliers et la silhouette d'Ellen se dessina sur le miroir mural qui ornait le vestibule. L'éclairage s'intensifiait et ses traits se dévoilaient en reflets sur la surface lisse de la glace. Elle admira cette jeunesse étalée à la une de la psyché, sa peau dorée, sa chevelure mordorée qui descendaient à la conquête de sa nuque et rebondissaient sur ses épaules, ses lignes parfaites, tranchantes comme une lame dans le fourreau de sa robe.
Elle monta les larges escaliers qui menaient à l'étage. Elle avait retiré ses chaussures et ses pas s'enfonçaient dans l'épaisse moquette rouge. Elle entra dans le petit salon, les lampes s'allumèrent mais d'un claquement de doigts elle replongea la pièce dans la lumière magique du jour naissant. Elle jeta négligemment ses gants sur le dossier de la chaise du bureau, se dirigea vers le bar, se servit un grand verre de vodka qu'elle avala d'une traite avant de se servir un nouveau verre. Elle marcha vers la fenêtre qui donnait sur le jardin, l'ouvrit malgré le froid et fuma une cigarette. Assise sur le rebord, savourant sa vodka à petites gorgées, elle était une ombre découpée sur le monde extérieur.
  • Ils ont retrouvé le corps !
  • Je sais ma Reine.
Ellen se leva et s'installa au bureau. Elle saisit la tablette numérique et l'installa sur un pied en cuivre finement ciselé qui lui donnait l'apparence d'un miroir ancien. Au bout d'un instant son reflet apparut sur l'écran. Une légère fêlure zébrait le coin gauche en haut du visage.
  • Nelle, montre-la moi, elle ! je veux la voir, plonger mon regard dans son image.
Le reflet d'Ellen se brouilla et, encadré par une épaisse chevelure noire, apparut le visage un peu grave d'une jeune fille à la peau extrêmement pâle et aux lèvres écarlates. « Blanche ! »
Le reflet extrapolé à partir de la photo d'une petite fille de douze ans. Ellen fixa son joli minois de longues minutes pendant que ses doigts parcouraient son propre visage. Elle pouvait sentir les premières rides sur son front ; du pouce elle palpa le léger renflement sous ses yeux. Elle caressait ce que sa vue lui occultait. La jeunesse qui avait déployé ses ailes en elle, s'était envolée ne laissant qu'un cocon vide pris dans l'ambre du temps.
Elle caressa lentement ses lèvres chargées de rouge. Ses doigts descendirent, jusqu'au menton, puis le long de son cou, jusqu'à la naissance des seins. Elle pouvait sentir les distorsions du temps dans le relâchement de la peau. Elle se leva et fit pivoter le grand miroir sur son châssis en fer forgé. L'espace d'un instant elle crut voir les outrages du temps faits à sa beauté, ses cheveux devenus blancs, avant que la surface ne polisse son reflet.
Ellen alluma une cigarette qu'elle posa dans le cendrier et demanda à l’Intelligence Artificielle de lancer Nach-6. Elle avait conçu ce programme il y a presque un an. C'était une appli pour tablette, smartphone qui transformait les écrans en miroir, où les reflets pouvaient être retouchés en temps réel. Un énorme succès commercial. Elle laissa son regard vagabonder vers le feu de cheminée. Il y a trois mois elle avait injecté dans le code source quelques lignes qui changeaient les écrans en glaces sans tain. L'ombre d'Ellen, déformée par le mouvement incessant des flammes, dansait sur le vaste plafond orné de stucs dorés et de fleurs d'humidité.
  • Miroir, miroir magique, dis-moi qui est la plus belle d'entre toutes les Parisiennes ?
  • Ma Reine, tu es très belle, mais Blanche est la plus belle en ce royaume.
Sur la psyché pivotante, l'image d'Ellen se brouilla et apparurent les traits délicats d'une jeune femme de dix-huit ans à la peau blanche et aux cheveux noirs.
  • Sait-elle seulement que son père est mort ? Lorsqu'il est parti avec elle dans l'ambulance... je savais que je ne le reverrais plus ! Il aimait sa fille et elle le lui rendait bien. Il s'était occupé d'elle à la mort de sa mère, quelques semaines après l'accouchement. Elle avait cinq ans quand je suis entrée dans leur vie. J'ai cru trouver ma place, mais cette petite pimbêche occupait de plus en plus d'espace.
Ellen se retourna vers la tablette et fixa le regard inexpressif de l'I.A.
  • Je n'ai pas revu John pendant six longues années. Puis, il y a un peu plus de trois mois, quelques jours seulement avant sa mort, il... Il n'avait jamais répondu à mes courriers. Mais ce jour-là, de passage à Paris, il accepta de me voir.
  • Il vous a fait du mal, ma Reine.
  • Il m'a dit que j'étais folle... Il a osé dire que Blanche était morte ! Je sais qu'elle est vivante, qu'à l'époque il est parti pour s'occuper d'elle. Et trois jours après notre entrevue, le jour anniversaire de la soi-disant mort de sa fille, il se suicidait.
Ellen tira la chaise du bureau devant le grand miroir de façon à pouvoir s'asseoir en s'accoudant sur le dossier. Elle sentait la chaleur des larmes dans le sillon de sa détresse, mais son reflet, lui, ne connaissait pas la tristesse. Elle étira la photo pour qu'elle occupe les trois-quarts de la surface réfléchissante. Le portrait vieilli de Blanche n'était plus qu'une vignette collée sous la fiche de Zoé Valdèz. Étudiante en philologie, elle vivait seule dans un petit studio près de République. Ellen parcourut en diagonale quelques pages du dossier constitué par Nelle, visionna quelques-unes de ses vidéos. Elle la regardait évoluer, parler, rire, chanter. Elle se leva, approcha du miroir, fixa attentivement le visage de Zoé. C'était Blanche, il n'y avait aucun doute.
Nelle s'était connecté à tous les comptes de Zoé. Il avait parcouru son agenda afin de connaître ses habitudes. Pour financer ses études, elle travaillait chez un fleuriste près de la gare Montparnasse. Une chaîne de magasins de fleurs ouverts vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les mardis et jeudis, elle quittait le magasin peu avant le dernier métro. Seul le compositeur automatique offrait alors aux amants de la nuit quelques bouquets personnalisés. Ellen but un dernier verre de vodka et fuma encore. Il était presque dix heures du matin ce dimanche, le chant de la circulation n'était qu'un murmure de l'autre côté des murs de la propriété, lorsqu'elle tira le lourd rideau de la fenêtre et fit pivoter le miroir pour effacer le reflet de Zoé de sa psyché.
Le mardi suivant la neige semblait tomber au ralenti. Paris grelottait et Zoé somnolait. Il était minuit et elle commençait à mettre en ordre le magasin sous l’œil de la caméra de surveillance. Nelle la regardait faire dans le silence de la vidéo. Zoé se dirigea vers la porte pour tirer le rideau lorsqu'apparut dans la vitrine la silhouette svelte d'une femme qui frappa à la porte. Zoé lui fit signe d'utiliser l'automate. La femme portait un châle sur la tête, un manteau au col en fourrure et des talons hauts qui avaient cliqué sur les pavés numériques de la carte graphique de Nelle au moment où Ellen introduisit sa CB. L'I.A. pénétra le système du fleuriste robotisé. Sur l'écran auquel faisait face Ellen, les traits de Nelle apparurent. Un clin d’œil et sur l'écran noir ne clignotaient plus que les mots « hors service ».
Zoé, s'apprêtant à sortir, entendit jurer la cliente qui se planta devant elle. Elle lui expliqua qu'elle venait d'arriver à Paris, qu'elle rejoignait un homme qu'elle avait beaucoup aimé et qu'elle n'avait pas revu depuis six ans. Elle avait vraiment besoin d'un beau bouquet. « S'il vous plaît mademoiselle. » soupira Ellen en retirant dans un geste de star hollywoodienne d'un autre siècle ses lunettes noires. La cliente proposa de jeter un œil à l'automate pendant que Zoé ferait son bouquet. Ensuite elle la déposerait chez elle en taxi. La jeune fille réfléchissait en se tordant les lèvres. « Vous vous y connaissez en automates de ce genre ? » La cliente esquissa un grand sourire. « Ne vous inquiétez pas. Je suis ingénieur en sciences cognitives, spécialisée en systèmes artificiels intelligents. Ce joujou ne me posera aucun problème. » Zoé se mit au travail et Ellen ouvrit le capot du fleuriste robotisé. « Il fait chaud ici, dites-moi. Comment vous appelez-vous, » « Zoé, répondit la jeune fille. Oui j'ai eu chaud toute la soirée. Ce putain de chauffage doit encore déconner. Oh ! excusez mon langage. » Dans le reflet de ses verres fumés la Reine aperçut l'éclat du sourire de Nelle. « Ce n'est rien. Vous voulez un jus de fruit ? J'ai toujours une petite brique sur moi. » Zoé acquiesça et Ellen farfouilla dans son sac à main. « Ah, qu'est-ce que je disais... un jus de pomme. »

La cave de l'hôtel particulier d'Ellen. La terre battue, des murs blanchis à la chaux. Un vieil atelier de bricolage en bois épais. Un étau. Des néons bleutés baignaient la pièce d'un halo irréel. Elle ouvrit les yeux. Le sol tanguait, sa tête dodelinait. Zoé se réveillait à peine, son cerveau battait la chamade. Après quelques minutes, elle parvint à redresser la tête. Sur le mur face à elle, un miroir, immense. Et dans le reflet, il y avait cette femme, poignets et chevilles enchaînés au mur. Zoé sentit qu'elle était entravée. Elle se voyait bouger mais... Mais ce visage ! Ce visage ne pouvait être le sien. Pas déjà. Pourtant sous le calque des années c'était bien sa figure. Elle poussa un cri que réfléchit son image flétrie. Zoé pleurait, tremblait.
La voix basse et métallique de Nelle résonna sous la voûte du caveau. « Calmez-vous, mademoiselle. » Zoé fit un bond, immédiatement arrêtée par ses chaînes. Elle se blottit contre le mur. Ses yeux cherchaient de tous côtés. « Écoutez-moi ! » Zoé frissonnait de tout son être. « Vous allez mourir. » Zoé esquissa un nouveau bond, mais se retint. Elle éclata en sanglots. Elle tressaillit, puis ses jambes et ses bras se relâchèrent. « Calmez-vous. » Elle s'enfonçait dans le sol, comme avalée par la terre.
La porte métallique claqua et Ellen fit son entrée. Elle portait ses lunettes de soleil et une longue robe noire. « Arrête de chialer, petite salope ! » Sa main fine et baguée fit un aller-retour sur les joues de la jeune femme, puis la saisit par le col de son uniforme. Les chaînes tiraient sur ses membres. « Pourquoi tu m'as volé John, hein, petite pute ! Tu vas crever, sale chienne ! » Elle la rejeta au sol. Zoé était tétanisée. Elle parvint à bredouiller quelques mots au milieu de sanglots. « John ? Qui ? Connais pas. Je. Je sais pas. Je pas, comprends pas. » « Ta gueule ! Tu m'as volé le seul homme que j'ai jamais aimé ! Nous formions un beau couple. Des petits génies des systèmes intelligents. Mais quand tu as commencé à grandir, il a retrouvé dans tes traits ceux de ta mère. Il s'est éloigné de moi. Il s'est désengagé de notre projet... notre bébé ! Il voulait profiter de sa fille. Et moi je n'avais plus qu'à le regarder te regarder grandir ? Oh non ! Un des week-ends où il donnait une conférence, tu avais 12 ans, je t'ai tuée. J'ai cru t'avoir tuée. Je t'ai empoisonnée et j'ai maquillé ça en accident. Je t'ai laissée tomber du balcon de ta chambre. John est arrivé quelques minutes seulement après les pompiers. Il est parti avec toi en ambulance. Après ça, il m'a appelée une fois, pour me dire qu'il ne pouvait plus rester ici, qu'il ne pouvait plus rester avec moi. Il ne savait pas ce que j'avais fait, mais il me reprochait de ne pas avoir empêché ta chute. Je ne l'ai plus revu, jusqu'à... Mais je sais que tu as survécu et qu'il n'a vécu que pour toi... tu me l'as enlevé. Et maintenant il est mort ! »
Zoé regardait Ellen avec des yeux emplis de terreur. Sur ses pupilles dilatées se lisait toute l'étendue de sa détresse, de son incompréhension. Sa tête était agitée de petits mouvement saccadés et son visage se crispait par intermittence. Son ventre était noué et elle s'était fait dessus à plusieurs reprises déjà. Elle avait froid, elle avait peur. Pourtant elle leva le regard vers sa tortionnaire : « Je ne comprends rien à ce que vous dites. C'est pas moi ! Je suis pas celle que vous croyez ! Je vous l'jure. Vous vous trompez. » Zoé la suppliait de l'écouter. Ellen lui avait tourné le dos et marchait d'un pas chaloupé vers la sortie. Elle se retourna dans l'encadrement de la porte et lui cracha : « Ta gueule, Blanche ! Ferme ta putain de gueule ! Très vite tu me supplieras de mettre fin à tes souffrances. Très vite ! » Elle claqua la porte.
La solitude glaciale de sa geôle imprégnait les vêtements, la peau et les os de Zoé. Les moments de solitude et de terreur intérieure étaient entrecoupés par la furie de la cinglée distinguée. Zoé baignait dans sa merde, sa pisse et son sang. Sa veste était trempée et lui glaçait le corps. Il n'y avait plus ni nuit ni jour. Elle répétait en boucle qu'elle n'était pas Blanche. Parfois elle le hurlait, d'autres elle le susurrait. Quelques fois Nelle lui répondait. L'intelligence artificielle le savait mais ne pouvait aller contre la volonté de sa conceptrice, contre l'instruction d'Ellen. Lorsque John était parti, il n'était qu'une œuvre inachevée à laquelle la Reine avait ensuite transmis ses propres fêlures. Zoé avait faim et soif.

Après des jours de cet enfer Ellen parut une nouvelle fois. Mais cette fois-ci nulle robe habillée ni même de verres fumés. Elle portait une blouse blanche, un masque de chirurgien lui barrait le bas du visage et de larges lunettes en plastique lui masquaient le regard. Zoé hurla en la voyant. Ses jambes et ses bras tiraient de toutes leurs faibles forces sur les chaînes. Elle ne distinguait que les yeux cernés de rides de la marâtre qui sortit de sa blouse une seringue et la piqua. L'engourdissement qui étreignait Zoé devint plus intense, à tel point qu'elle ne savait plus si elle avait chaud ou froid. Ellen l'installa dans un fauteuil, lui attacha les poignets aux accoudoirs et les chevilles aux pieds du siège. Toujours face au miroir.
Les bruits résonnaient étrangement à la conscience de Zoé. Chaque mouvement de sa geôlière traînait dans le temps et l'espace. Une fenêtre s'ouvrit à la surface de la psyché et le visage de Nelle se matérialisa. Celui d'Ellen emplit le champ de vision de Zoé. Sa voix lointaine parvenait en écho à la jeune femme. « Blanche ! Oh, tu m'écoutes ? Tu vas souffrir ! » Elle avait décollé son visage de celui de sa victime, tapait du bout de l'index sur son crâne. Zoé vit un éclair argenté scintiller devant son regard brumeux. Une lame ! La Reine s'écarta un peu sur sa droite pour que la jeune fille puisse admirer son reflet. Elle la vit enfoncer la lame dans son sternum. Zoé ne sentait rien, son corps dormait profondément. Cependant elle voyait son reflet fané être torturé. La Reine lui tailla les tétons, lui saigna les seins. Les reflets, l'I.A. en diffusait des ralentis, des gros plans en petits montages à la cruauté mise en scène. Zoé défaillit.
« La mort de John l'a profondément ébranlée. Elle l'aimait toujours. Et elle continue de l'aimer. Elle a besoin de tuer Blanche encore et encore. Si elle ne le fait pas, elle finira par se supprimer. Moi, je suis là pour la sauvegarder. Je crois que si je pouvais ressentir ce que vous nommez l'amour, le mien lui serait à jamais voué. » La voix inhumaine de Nelle se répétait, comme l'écho d'une condamnation. Zoé ne dormait pas vraiment, ses fers l'en empêchaient, mais elle errait dans une demie-conscience déchirée de décharges de peur et de douleur. La plupart du temps elle était seule face au reflet de sa vieillesse qui ne viendrait jamais.

Un jour, après l'avoir attachée à la chaise, Ellen badigeonna son visage avec un produit qui lui glaça la peau. Ellen recula, pencha la tête sur le côté, comme pour trouver l'angle qui mettrait le mieux en valeur son œuvre. Elle se dirigea ensuite d'un pas léger vers le rideau au fond du caveau. Elle claqua des doigts et une symphonie introduisit son premier mouvement. « Il faut que je te présente quelqu'un. » Elle tira sur une cordelette et le voile tomba au pied d'un androïde. « Laisse-moi te présenter ton frère, Nelle ! » Elle se retourna vers l'androïde. « Nelle, ta sœur Blanche. » Les yeux du robot s'allumèrent. D'un pas souple il s'avança vers Zoé. Ellen sangla le front et le cou de la jeune femme. Nelle prit un scalpel et commença à lui décoller la peau du visage. Cette fois-ci elle sentit quelque chose, comme l'écho d'une lointaine griffure sur sa face.
Lorsqu'elle retrouva ses esprits Zoé était seule. Son regard tanguait entre ses seins. Les entailles avaient été nettoyées et elles ne saignaient plus. Elle leva difficilement sa tête et son regard sur la psyché face à elle. Elle poussa un cri d'effroi. Son visage n'était plus même celui vieilli auquel elle avait fini par s'habituer. Le haut de son visage était recouvert d'un masque pour enfant, la figure plastifiée de Blanche-Neige. Le masque laissait apparaître la bouche et le menton, dont les chairs étaient à vif. La voix dans sa tête hurla si fort en elle qu'elle finit par réveiller la douleur. Zoé sentait les morsures sur sa poitrine et les déchirures de son visage. La douleur gagnait son esprit, desséchait sa volonté. Ellen entra dans la pièce. Le visage de Nelle papillotait à la surface de la psyché, là où se refléterait la dernière scène. La Reine s'avança vers Zoé et vrilla ses yeux d'un bleu glaçant dans la coquille noisette vide du regard de sa proie. « Blanche ! » Zoé releva la tête. « L'heure est venue ! » Elle fixait droit devant elle, les traits de Nelle dans la glace. Ellen évoqua le suicide de John, la voie de chemin de fer, le train percutant sa voiture. Zoé aperçut l'I.A. lui décocher un clin d’œil.
La Reine s'approcha du petit plateau sur lequel elle avait disposé une belle pomme rouge, juteuse et une seringue. « Tu veux croquer dans cette pomme ? » Zoé salivait sans s'en rendre compte et croqua à pleines dents le fruit empoisonné. Très vite elle se mit à convulser et à vomir. Puis des diarrhées sanguinolentes lui déchirèrent les entrailles. Alors que Zoé agonisait, Ellen lui ouvrit la cage thoracique, en sortit le cœur et sectionna les artères. Le cœur pompa encore un peu, crachant puis crachotant le sang qu'il avait encore en lui. Le corps de Zoé fut secoué de mouvements réflexes puis s'affaissa.
Ellen plongea son regard dans celui de Nelle, dans son illusion glacé. Ils se réfléchissaient l'un l'autre à la surface de la psyché, comme les réverbérations de leur dualité. Elle était resplendissante dans sa blouse blanche maculée de sang, tendant dans la lumière du petit jour filtrée par d'étroites ouvertures le cœur de Zoé dans son poing rageur. Nelle sentit dans son cerveau une décharge électrique, comme la vague artificielle de la satisfaction. L'I.A. recherchait cet écho dans chacune des mises à mort, ce frisson ressenti lorsqu'il avait immobilisé la voiture de John sur le passage du train. Ce même vertige qui avait fissuré l'âme de la Reine six ans auparavant.

03/04/2013

Un peu de poésie...

Bon ça fait un bout de temps que j'ai pas écrit ici... la vie, tout ça.
Bref, je reviens poser sur ce blog quelques mots et assez curieusement (pour moi) c'est une forme de "poésie" qui m'envahit ces derniers temps...
Curieux pour moi car je ne suis pas un grand lecteur de poésie et, hormis pendant une adolescence où je me rêvais en poète maudit, je ne me suis plus essayé à cette forme d'écriture enserrée dans de nombreuses contraintes stylistiques!
Bref, c'est grâce à tweeter que c'est venu... permettre le saut de ligne dans les petits message de 140 caractères m'a donné envie de jouer avec les acrostiches. Les vannes étaient ouvertes...
Je vous propose ici quelques-uns de ces écrits postés sur le réseau social ainsi que deux textes plus longs mais non encore aboutis:


commençons avec les acrostiches:

1/

Jouissons,
Ouvrons
Une à une nos
Illusions,
Suçons nos
Seins
Obscènes de
Narcisses
Sans pudeur

Sussurons à nos
Ames
Nues l'un des
Sens

Effeuillons
Nos
Trans
Rock
Avenue des
Voeux
Ephémères

2/
Manège des sens
Anges insensés
Garces encensés
Image d'indécence
Essence des allumés


Ensuite un jeu avec les muses:

ta muse
ça m'use,
l'amuse
ma muse

ma muse
s'amuse;
ta muse
l'âme use

l'âme use
ta muse,
s'amuse
ma muse

sa muse
l'amuse
t'amuse
m'amuse


autour des mots:

quelques mots lancés à l'oreille
quelques traits rêvés à desseins
quelques pensées dès le réveil
quelques gouttes de ta sève sur mes mains



les mots à la volée
du toaster ont sauté
étoiles saupoudrées
dans le noir du café



je t'offre mes mots, tu me tends la main
j'n'ai jamais vu tes yeux, ni toi les miens
qu'importe le croque-mitaine;
partons! direction l'Eden



mes mots, cerfs-volants
emportés par ton souffle;
mes mots, nuages au vent
que jamais rien n'essouffle.
Révèle-toi, fais danser mes mots!



tes mots sont présence,
un sourire à boire
qui épanche l’absence,
ma visiteuse du soir



tes mots sont des bulles d'air
affleurant à ma fenêtre
venus des profondeurs amères
autant de sourires à naître



il n'avait pas sa langue dans sa poche,
un jour qu'il voulait la donner au chat
une langue de pute lui a tiré sa langue de bois... vipère!



Ton esprit tire ses traits,
dessine ses courbes, trace ses arabesques
délie ses harmonies; moi, face à cette fresque,
je compose ton portrait



des petits riens:

Un matin ils ont plié bagages
pour Croatan ils sont partis
les indiens-aux-yeux-gris
répondre à l'appel sauvage            ----> (saez http://youtu.be/wEIKedipzNs)



il y a tant de beautés
dans toutes nos différences
dommages qu'elle soient gâchées
par tant d'indifférence



j'voudrais lire dans tes yeux
les étoiles que tu laisses filer
réciter la pluie de tes cieux
sous les regards des insensés



si du monde tu n'aimes pas la couleur,
ne détournes pas les yeux, sois pas con
trempe ta plume aux sources des pleurs,
peins, hausse le ton!

si du monde tu n'aimes pas les couleurs
ne ferme pas les yeux
plante dans le gris de leur âme, les fleurs
aux langues de feu

si du monde tu n'aimes pas les couleurs
Inutile de te crever les yeux
arrache, épingle sanglant, ton cœur
au fronton de leurs tristes cieux




Deux textes en travaux:




De Marseille à Marseille
Du Mexique au Yemen
Du Paris d'la Commune
Aux déserts des écumes

D'la poésie à la folie
De l'Albatros à l'enfant roi
Des camisoles nues, des semelles de vent
Aux cruautés théâtrales du poète-voyant

D'la fée verte au Peyotl
Des maux d'tête à l'ennui
D'Illuminations en électrochocs
A l'Ombilic des limbes d'un poète maudit

Il faut, à les lire, plus d'une saison en enfer
A l'unité du multiple de deux âmes écorchées
Comme autant de bateaux ivres sur leurs corps échoués
Pour en finir à jamais avec le jugement de Dieu le père

D'Arthur à Artaud
D'Antonin à Rimbaud









C'est la frêle bête à bon dieu
Qui s'cogne à la fenêtre des hommes
Assemblés pour prier les cieux
Elle aimerait au soleil, squattait les chaumes
Le Rouge et le Noir dans les yeux
Et dans les mains des chanteur de psaumes
L'insecte divin fait danser au mieux
Ses oriflammes à la bougie des mômes...

C'est la p'tite bête qui monte
Qui s'cogne aux fenêtre du net
Et affole les compteurs qui décomptent
Le moindre visiteur de l'insecte
Des clics et du fric en font un mastodonte
La fée électricité n'en croit pas ses mirettes
En bouc-émissaires les laissés-pour-compte
La bestiole craint... d'un jour ne plus être à la fête.

C'est la vieille bête immonde
Qui s'cogne aux barreaux des fenêtres
La nuit tombe une fois de plu' sur le monde
Quand le brouillard se lève sur les lettres
Si la bête à bon dos, la bêtise est au monde
Nichée dans le regard de tous les êtres
Humains, toujours pas de monstre dans l'E-monde
Mais dans la choléosphère bien trop de dieux, toujours trop de maîtres!