"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

05/03/2022

Communiqué de l'EZLN à propos de l'invasion russe en Ukraine

 Traduction du communiqué publié le 3 mars 2022 sur le site de liaison zapatiste et intitulé "NO HABRÁ PAISAJE DESPUÉS DE LA BATALLA" et consultable ici.

 


 

 

COMMISSION SEXTA ZAPATISTE,

Mexique.

IL N'Y AURA PAS DE PAYSAGE APRÈS LA BATAILLE

(À propos de l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe).

 

2 mars 2022.

Aux signataires de la Déclaration pour la Vie :

À la Sexta nationale et internationale :

Compañer@s et frœurs :

Nous vous livrons nos mots et pensées sur ce qui a actuellement cours dans la géographie que vous appelez Europe :

PREMIÈREMENT.- Il y a une force d’agression, l’armée russe. IL y a des intérêts du grand capital en jeu, de chaque côté. Ceux qui souffrent des délires des uns et des habiles calculs économiques des autres, ce sont les peuples de Russie et d’Ukraine (et, sans doute bientôt, ceux d’autres géographies proches ou lointaines). En tant que zapatistes que nous sommes, nous ne soutenons ni l’un ni l’autre État, mais celleux qui luttent pour la vie contre le système.

Lors de l’invasion multinationale de l’Irak (il y a presque 19 ans), avec l’armée nord-américaine à sa tête, il y eut des mobilisations dans le monde entier contre cette guerre. Personne, en son jugement sain, ne pensait que s’opposer à l’invasion signifiait se tenir aux cotés de Sadam Hussein. La situation est aujourd’hui similaire, bien que non identique. Ni Zelensky ni Poutine. Halte à la guerre.

DEUXIÈMEMENT.- Différents gouvernements se sont alignés sur l’un ou l’autre camp, le faisant par calculs économiques. Il n’y a aucune évaluation humaniste en eux. Pour ces gouvernements et leurs « idéologues » il y a de bonnes et de mauvaises interventions-invasions-destructions. Les bonnes sont celles réalisées par leurs partisans, et les mauvaises celles perpétrées par leurs opposants. L’acclamation de l’argument criminel de Poutine pour justifier l’invasion militaire de l’Ukraine, se changera en lamentations quand, avec les mêmes mots, il justifiera l’invasion d’autres peuples dont les processus ne seraient pas du goût du grand capital.

Ils envahiront d’autres géographies pour les sauver de la « tyrannie néonazie » ou pour en finir avec les « narco-États » voisins. Ils reprendront alors les mêmes mots que Poutine : « nous allons dénazifier » (ou son équivalent) et ils abonderont en "raisonnements" de "danger pour leurs peuples". Et alors, comme nous le disent nos compañeras en Russie : « Les bombes russes, les roquettes, les balles volent vers les ukrainiens et ne leur demandent pas leurs opinions politiques et la langue qu’ils parlent », mais en changeant la « nationalité » des uns et des autres.

TROISIÈMEMENT.- Les grandes capitales et leurs gouvernements en « Occident » se sont assis et ont observé – et même encouragé – la détérioration de la situation. Puis, l’invasion commencée, ils ont attendus de voir si l’Ukraine allait résisté, en faisant les comptes des profits à tirer de l’une ou l’autre issue. Puisque l’Ukraine résiste, ils ont alors commencé à émettre des factures pour leur « aide », qui seront payées plus tard. Poutine n’est pas le seul surpris par la résistance ukrainienne.

Ceux qui gagnent dans cette guerre sont les grands consortiums d’armement et les grands capitales qui voient l’opportunité de conquérir, détruit/reconstruire des territoires, c’est à dire, créer de nouveaux marchés pour les biens et les consommateurs, pour les personnes.

QUATRIÈMEMENT.- Plutôt que de nous fier à ce que diffusent les médias et les réseaux sociaux des camps respectifs – et que tous présentent comme des « informations » -, ou aux « analyses » dans la subite prolifération d’experts en géopolitiques et les aspirants du Pacte de Varsovie et de l’OTAN, nous avons décidé de chercher et interroger celleux qui, comme nous, sont engagé.e.s dans la lutte pour la vie en Ukraine et en Russie.

Après plusieurs tentatives, la Commission Sexta Zapatiste a réussi à entrer en contact avec nos proches en résistance et rébellion dans les géographies qu’ils appellent Russie te Ukraine.

CINQUIÈMEMENT.- En résumé, nos proches, qui brandissent la bannière du @ libertaire, restent fermes : en résistance celleux qui sont au Donbass, en Ukraine ; et en rébellion celleux qui cheminent et travaillent dans les rues et les champs de Russie. Des personnes sont arrêtées et battues en Russie pour avoir protesté contre la guerre. Des gens sont tués en Ukraine par l'armée russe.

Ce qui les unis entre eux, et eux à nous, ce n’est pas seulement le NON à la guerre, c’est aussi le refus de « s’aligner » avec des gouvernements qui oppriment leur peuple.

Au milieu de la confusion et du chaos de chaque côté, leurs convictions leur font garder le cap : leur lutte pour la liberté, leur refus des frontières et de leurs États-Nations, et les oppressions respectives qui ne changent que de drapeaux.

Notre devoir est de les soutenir à la mesure de nos possibilités. Un mot, une image, un air, une danse, un poing qui se lève, une accolade – même depuis des géographies éloignées – sont aussi un soutien qui donnera du courage à leurs cœurs.

Résister c’est persister et l’emporter. Nous soutenons ces proches dans leur résistance, c’est à dire dans leur lutte pour la vie. Nous le leur devons et nous nous le devons à nous-mêmes.

SIXIÈMEMENT.- Pour les raisons ci-dessus, nous appelons la Sexta nationale et internationale ne l’ayant pas encore fait, à, selon vos calendriers, géographies et manières, manifester contre la guerre et en soutien aux ukrainien.ne.s et russes qui luttent dans leurs géographies pour un monde de liberté.

De même, nous appelons à soutenir économiquement la résistance en Ukraine sur les comptes qu’ils nous indiqueront en temps voulu.

De son côté, la Commission Sexta de l’EZLN fait sa part, en envoyant un peu d’aide à celleux qui, en Russie et en Ukraine, luttent contre la guerre. Nous avons également débuté des contacts avec nos proches en SLUMIL K´AJXEMK´OP afin de créer un fond de soutien financier commun pour celleux qui résistent en Ukraine.

Sans faiblir, nous crions et appelons à crier et exiger : L'armée russe hors d'Ukraine.

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Il faut arrêter la guerre maintenant. Si elle continue et, comme c’est prévisible, s’intensifie, alors peut-être n’y aura-t-il plus personne pour raconter le paysage après la bataille.

 

Depuis les montagnes du Sud-Est Mexicain.

Sous-commandant Insurgé Moisés. SupGaleano.

Commission Sexta de l’EZLN.

Mars 2022