Depuis le 18
octobre, le Chili connaît le mouvement social le plus important
depuis la fin du règne de Pinochet. C’est l’augmentation du prix
du ticket de métro qui a mis le feu aux poudres. Le président Piñera a retiré sa mesure, mais la fronde n’a fait que
s’amplifier, nourrie par l’accroissement des inégalités
sociales et une démocratie toujours et encore confisquée par une
classe politique ne représentant qu’elle-même. La répression est
féroce, des centaines de manifestants ont été énucléés par les
LBD et près de 40 personnes sont mortes. Pourtant les manifestations
et émeutes se poursuivent et ont vu apparaître de nouveaux héros
et héroïnes, celles et ceux qui forment la « première
ligne ».
Santiago du Chili.
La première ligne des manifestations dans la capitale chilienne est
devenue l’emblème des
mobilisations.
Envers et
contre tout, ce sont les héros et héroïnes de la protestation qui
la forment. Dans les médias, ils sont appelés vandales, clochards,
délinquants. Dans les manifestations, ils sont applaudis, acclamés,
presque hissés sur les épaules. Ils existent.
Ils sont des centaines
d’hommes et de femmes, jeunes dans leur majorité, à, chaque jour,
affronter les carabiniers. Ils se regroupent autour des points
stratégiques afin d’empêcher les gaz lacrymogènes, les tirs de
munitions et les jets d’eau avec des produits chimiques, d’arriver
jusqu’à la mobilisation pacifique. Ce sont les gardiens et
gardiennes des dizaines de milliers de personnes qui
depuis plus de 40 jours protestent dans les rues contre un système
qui les exclue.
Le coin de Ramón
Corvalán et de la rue Carabineros de Chile est l’un des camps de
l’inégale bataille. Des pierres contre des blindés, de ceux qui
tirent des munitions ayant rendu borgnes plus de 200 personnes, ou
des bombes lacrymogènes ou les véhicules appelés canons à eau qui
envoient des jets d’eau avec des agents chimiques, qui
lacèrent, laissant la peau brûlante pendant des jours. Le Chili est
expert dans ce genre de bassesses.
Les nuits sont un
bouillonnement. D’un côté des groupes de jeunes cassent le bitume
à la masse afin de ravitailler en pierres la première ligne. Des
files de garçons avec des sacs de béton traversent les rues et les
laissent à celles et ceux qui résistent aux attaques frontales des
carabiniers. « Merci, frères », entend-on depuis les
échauffourées et la fumée. Car oui, la première bataille
remportée le fut contre l’individualisme et l’ego, ici tout est
collectif.
Des dizaines, des centaines de personnes attendent les
manifestants qui courent avec les yeux en larmes. « Eau avec du
bicarbonate ! Eau avec du bicarbonate ! »,
crient-ils. Et les autres s’approchent pour qu’ils leur aspergent
le visage, leur disent quelques mots de réconfort, les secourent.
Pour chaque personne blessée, ils sont quatre ou cinq à s’approcher
immédiatement. C’est un jaillissement.
La première ligne continue. Alors que le ciel s’obscurcit, des
manifestants se regroupent face au canons à eau et aux blindés et
les gênent avec la lumière verte des rayons laser sur les
pare-brises. Le son et lumière inonde la rue. Le canon à eau
recule. Les jeunes crient de joie.
Très vite l’infanterie carabinière, à pied, se déploie.
Abritée dans les véhicules, elle reçoit l’ordre d’attaquer et
ils courent après les jeunes et tous ceux qu’ils croisent sur leur
passage. Ils frappent et
donnent des coups de
pieds à tous ceux qui
s’interposent, ils en arrêtent quelques-uns et leurs compagnons
essayent de les secourir dans
une bataille au corps à corps. Parfois ils y parviennent.
D’autres, le garçon ou la fille va grossir les files dans les
commissariats. On parle maintenant de plus de 17000 détenus en 40
jours de protestations.
Claudia Aranda, reporter et activiste
à temps complet, arrive en première ligne. Au cours de notre rencontre, elle reçoit par
whatsapp l’échographie de son prochain petit-fils. Elle est
heureuse. Il y a 40 jours elle a tout quitté et est partie vivre
dans un squat pour se rendre disponible tout le temps. « La
tante de l’eau », l’appellent ses milliers de nouveaux
neveux des rues. « Hydratez-vous, canaille ! », leur
crie-t-elle avec son bidon de cinq litres à la main. Dans son sac
elle transporte son laser pour les moments où il faut désorienter
les carabiniers, et son carnet et appareil photo, pour ses
chroniques.
À l’autre coin de la scène, des groupes de jeunes tentent de
faire tomber un feu de signalisation. Avec une corde ils le tirent
pour le faire tomber au sol et faire du poteau une barricade. Des
dizaines de coins de rues n’ont plus aujourd’hui de feux, c’est
pour cela qu’un autre groupe de volontaires régule le trafic,
recevant pour paiement le son des klaxons des automobilistes qui, de
la même manière leur offrent une bouteille d’eau ou quelque chose
à manger.
Des dizaines de médecins, infirmiers et psychologues couvrent les
points de santé. Ils arrivent ici dès la fin de longues journées
de travail dans les hôpitaux publics et prives, et pendant des
heures ils s’occupent des blessés de la révolte. On dirait,
disent-ils, que chaque fois ils mettent des agents chimiques plus
agressifs dans l’eau que lancent les carabiniers. Ces derniers
jours les gamins arrivent avec des brûlures sévères de la peau.
Une jeune qui travaille comme organisatrice d’événements est
maintenant chargée de la logistique au centre de santé. Elle reçoit
et classe les dons des gens : masques, analgésiques, bandages,
sérum, et une infinité d’articles qui s’amoncellent sur le
côté. La solidarité, pour l’instant, est plus grande que
l’urgence.
Dans la première file, les jeunes se protègent avec des
boucliers faits de plaques arrachées aux rideaux des magasins, avec
des couvercles de tonneaux, avec ce qu’ils ont. Ce sont quelques
gladiateurs. Il y a des hommes et des femmes « pompiers »
dont la mission consiste à étouffer les bombes lacrymogènes avec
des bonbonnes d’eau, de bicarbonate et de soude caustique. La pire
partie est pour eux, leurs poumons se remplissent de toxines. Les
applaudissements de leurs compagnons sont leur seul paiement pour
chaque bombe désactivée.
Dans la manifestation personne n’a faim. Et moins encore en
première ligne; des cuisines collectives s’organisent et
distribuent la nourriture dans des charriots récupérés dans les
supermarchés. On ne manque jamais de lentilles et de patates.
Parfois des contingents de cyclistes arrivent avec de quoi aider,
d’autres fois c’est eux qui ont besoin d’aide.
Que se passerait-il si cette première ligne n’existait pas ?
Il y a quelques jours une marche organisée par les maîtresses de
maternelle essayait d’arriver Place de la Dignité, connue
auparavant comme Place d’Italie, le centre névralgique des
mobilisations, et face à elles déboulait la police avec des
lacrymogènes. La première ligne sert à ce qu’elles et beaucoup
d’autres comme elles puissent accéder à la place et manifester
pacifiquement.
Les frondes et baïonnettes
improvisées sont les armes de la première ligne. Barricades de
pierres, planches, pneus, tout ce qui peut servir à obstruer le
passage des carabiniers, dont la mission est de temps en temps rompre
cette ligne, traverser les barricades, ouvrir le passage et
pourchasser les manifestants. Depuis plus de 40 jours la mécanique
est claire. Ils brisent la ligne, les jeunes se font tirer dessus,
ils se dispersent et puis reprennent leurs positions. Jusqu’à la
prochaine attaque. Et ainsi de suite.
« Embuscade ! Embuscade ! », crient-ils
lorsque arrivent des deux côtés les canons à eau. Il n’y a pas
grand-chose de plus à faire que se baisser et se protéger avec les
corps. Ils se préviennent aussi lorsque l’un d’entre-eux est sur
le point de lancer un cocktail molotov. « Mèche !
Mèche ! », crient-ils pour que leurs compagnons ouvrent
un espace. La bombe artisanale vole dans les airs et tombe près des
carabiniers. La joie se diffuse, cela leur offre un temps pour se
rapprocher des carabiniers et continuer le combat avec les pierres.
La bataille est organisée. Certains vont à l’affrontement,
d’autres construisent des barricades, d’autres regroupe le
matériel, certains amènent la nourriture et l’eau, et d’autres
s’occupent des blessées. Tout cela pour que le reste de la
mobilisation contre un système qui les prive du plus élémentaire
puisse avancer sans trop de difficultés.
Au milieu de la bataille jamais ne manque la batucada ou un
saxophoniste qui s’approche avec « El derecho de vivir en paz » et imprègne l’ambiance de ses notes. La nuit tombe et
les blocages s’éteignent peu à peu. Dans les rues sombres
apparaissent des groupes de carabiniers qui patrouillent. Et, tel un
fantôme, entre les ombres, on entend des cris : Miliciens de
merde ! Jeunes de merde ! Assassins ! Une jeune fille
avec une énorme pierre à la main passe près des rangs de
carabiniers. Elle les insulte, cachant la pierre. Les carabiniers
continuent. Et elle aussi.
Je continue à propos de la Bolivie, avec la traduction d'une interview de Silvia Rivera Cusicanqui (dont j'avais déjà traduit une intervention). C'est une parole forte, une voie féministe vers l'autonomie, une voix dissidente dans un pays polarisé, dans une Amérique Latine entre populisme de droite et de gauche. Une pensée indigène qui veut substituer à la patrie des frontières, la matrie du sous-sol indien de l'Amérique, où fonder de nouvelles autonomies.
La société bolivienne « n’a pas renoncé à ses
droits, à sa mémoire et à son autonomie » : Silvia
Rivera Cusicanqui
La Paz, Bolivie. Silvia Rivera Cusicanqui, penseuse, féministe et
activiste bolivienne, parle dans un entretien avec Desinformémonos
de la complexe conjoncture actuelle de ce pays andin. Celle-ci
commence avec ce qu’elle appelle « la négation de la
fraude » de Evo Morales lors de sa quatrième réélection.
Elle explique le machisme, le racisme et « l’interculturalité »
durant les 13 années de gouvernement du MAS. Elle parle du
capitalisme en Bolivie, de la pensée unique et la disqualification
de la critique des gouvernements progressistes, et de sorties à
partir d’en-bas pour la reconstruction de la Bolivie, entre autres
thèmes.
L’entrevue a été réalisée dans sa maison de La Paz, le 22
novembre, un mois et deux jours après les élections présidentielles
et 12 jours après le gouvernement de fait de Jeanine Áñez, au
milieu de la polarisation et de la conflictualité politique du pays.
- Vu de l’extérieur, on ne parle que de l’existence du binôme
MAS ou extrême-droite en Bolivie. Existe-t-il un entre-deux ?
- Le fait qu’on ne perçoive que l’extrême-droite et le MAS,
est une construction. Tous les secteurs intermédiaires, nous, nous
avons été privé de parole. Il n’existe pas en castillan une idée
de médiation aussi intéressante que celle qu’il y a en aymara :
le fait que dans une opposition se crée un espace Taypi qui
articule les différences, et pour peu que tu fasses un pas de côté
tu dois arriver dans un espace où la polarisation ne génère pas
d’impossibilité sociale, de blocage mutuel. Ça, je l’ai vécu
dès 1971 dans des communautés quechuas et aymaras.
Mais aujourd’hui, les mots de médiation et d’intermédiaire, et
de paix sont devenus des clichés.
Moi je crois possible de nous entendre depuis ces notions aymaras,
quechuas, guaranis. Il y a beaucoup à discuter à propos de
démocratie dans nos propres manières de faire les choses, qui ne
suivent pas toujours le perfectionnisme linguistique.
- Quel système a été implanté par le MAS au pouvoir ?
- Parfois on parle d’un capitalisme andin, amazonien, mais c’est
un projet capitaliste lié au BRICS, Brésil, Russie, Inde, Chine et
Afrique du Sud. Mais, de plus, il est totalement lié à l’Initiative
pour l’Intégration de l’Infrastructure Régionale Sud-américaine
(IIRSA). Ça c’était un projet de la banque mondiale qui se
cachait derrière l’Unasur en 2010 et qui devient IIRSA-COSIPLAN.
Moi je l’appelle le Plan Condor contre l’Amazonie et contre les
basses terres.
C’est l’alliance militaire en marge de la possibilité d’un
Lula, d’un Bolsonaro, d’un Evo ou de n’importe qui d’autre.
C’est une question systémique, avec un énorme lot de routes, de
barrages, tous reliés à ce qu’on appelle le sous-impérialisme
brésilien qui fut dans le temps l’une de nos thématiques, à
l’époque des dictatures. Et ça, ça a été totalement effacé et
oublié. Les gens ne se souviennent pas que ce pouvoir brésilien est
lié au capitalisme et à l’obstination du lien avec la Chine, qui
est un facteur fondamental d’expansion du capitalisme au Brésil et
dans toute l’Amérique.
- Quelle est la forme du capitalisme en Bolivie ?
Je le regrette, mais il n’a pas la forme entrepreneuriale qui
paye des impôts, plutôt des formes corrompues, de bourgeoisies pour
qui tout s’achète. Et bien évidemment, en son centre on retrouve
les producteurs de soja, de biodiesel, de bois et tous ceux qui
veulent en finir avec les arbres pour faire de tout ça une partie de
la République du soja ou de la palme africaine. Cela démontre
combien est archaïque le modèle de développement qui a été
installé dès avant le Mouvement vers le Socialisme (MAS) et qu’a
poursuivit le MAS, mais recyclé avec cet utilisation symbolique
puissante et avec un facteur de redistribution de pouvoir et de
redistribution économique.
On parle d’une redistribution très tendancieuse. Ma fille a eu
deux enfants à la maison avec une sage-femme aymara
merveilleuse, une érudite. Mais aujourd’hui ma fille ne peut plus
recevoir l’Assurance Universelle Maternelle Infantile (SUMI) car
pour cela elle doit aller à l’hôpital, et que si tu refuses, tu
travailles contre l’État. Mais n’es-ce pas, par hasard,
pluriculturel, un accouchement avec une sage-femme aymara ?
Ça l’est, et pourtant elle n’a pas le droit au SUMI. Mes
petits-enfants ont grandi avec tout ce que le travail de ma fille a
pu générer pour acheter amandes, châtaignes, toutes ces bonnes
choses qu’on retrouve dans ces lots de subventions.
La subvention est alors un processus disciplinaire. Toutes les
formes de bonus ou de subventions ont ce facteur disciplinaire, et ça
me semble tout à fait sinistre en tant qu’État central, parce que
ça n’a rien de plurinational. C’est une forme très étudiée,
très intelligente, de créer un paravent idéologique permettant aux
gens de confier leur subjectivité à ces entités qui pensent tout
savoir. Et pour moi, cela est très centré autour du personnage
d’Álvaro García Lineraiet ses nostalgies de guérillas et du pouvoir, de toute une
vie personnelle qui me semble mériter non seulement une analyse
journalistique, mais aussi psychanalytique et sociologique.
Je suis profondément peinée en disant cela, parce qu’il y a
des êtres humains masculins, merveilleux, rempli d’amour pour leur
famille, qui n’utilisent pas leurs enfants pour faire de la
politique, et qui de mon point de vue sont aussi un espoir dans les
communautés. Mais le fait d’avoir privilégié une masculinité
agressive, séparatiste vis à vis de la communauté, de cela la
croissance des options évangéliques, de Chi, jusqu’à Camacho et
Jeanine (Áñez) est également responsable.
Le paravent prétend qu’ici, maintenant, tout a été dit, tout
a été fait, il y a un ministre gay, il y a des lesbiennes, et ainsi
l’État a été assaini de tout son monolithisme. Mais non. La vie
quotidienne n’a en rien changé, et c’est ce qui a explosé,
parce qu’ont infusé la frustration, la désespérance, la rage. De
plus, face au féminisme a également infusé la question que nous ne
pouvons rien faire parce qu’il y a beaucoup de pouvoir distribué
dans les strates masculines, et ce pouvoir continue d’être utilisé
de manière obscure, mauvaise, très tendancieuse, bien loin du bien
commun. On a perdu l’idée d’un bien commun comme un bien local,
sur le terrain, dans la communauté, dans le quartier, et c’est
devenu le bien public, où l’État définit les besoins des gens.
Ce qui a été redistribué n’est ni bien utile ni vraiment
durable. Il y a donc un problème structurel, et c’est pourquoi je
pense que les femmes pleurent en ce moment, mais tout en s’activant,
en repensant nos communautés, nos réunions, nos quartiers, et
dialoguant et exerçant un droit à la dissidence.
Lorsqu’on eut lieu les conflits, moi j’étais malade, et tout
le monde sortait des drapeaux. Dans mon quartier c’est le drapeau
bolivien. Moi j’ai sorti un drapeau noir, car j’enterrai une
illusion, celle d’un État plurinational. Aujourd’hui nous
tâchons de créer les bases pour la reconstruction du pluriel depuis
en-bas, depuis les communautés, depuis chaque syndicat, depuis
chaque réunion. Dépasser le racisme, dépasser la peur de l’autre,
dépasser la binarité et redonner la parole à celles et ceux qu’on
fait taire, afin de retrouver la possibilité d’une structure
pluriel d’organisations sociales. Je ne parle pas de ces
sois-disant mouvements sociaux qui génèrent une relation totalement
verticale, comme la Coordination Nationale pour le Changement
(Conalcam) de Bolivie, où les femmes servent de décorations.
La Conalcam était le moyen de retirer aux bases toute la
pluralité qui avait permis qu’on débatte des autonomies. Les
guaranis du parc Kaa Iya ont développé une proposition incroyable
de relation avec les groupes non contactés, avec les
gardiens du miel. Résultat ? Tout ça est cramé. Où
est-ce cramé ? Dans tous les lieux contrôlés par l’Agence
pour le Développement des Macro-régions et Zones Frontalières -
ADEMAF.
Et rapidement le feu s’allumait, du parc il tombait sur
l’extrême sud-est du pays jusqu’au parc Madidi, qui est à
l’extrême nord-ouest. Il y a une frontière, frontière où je
crois qu’il y a eu une incitation au feu, parce que c’est moins
cher de brûler que de sortir les arbres à la force du poignet ou
avec des machines. C’est pour ça que je pense que derrière ça,
d’une certaine manière invisible dans cette conjoncture, on
retrouve le Plan Condor contre les basses terres.
- Parlons du discours sur le racisme d’Evo Morales.
- Si toi, en tant qu’État, tu tombes dans une politique
d’éducation pour la rage, pour que le ressentiment fleurisse et
affleure en tant que rage, tu vas générer des organismes ou des
organisations arbitraires. L’accumulation des arbitraires dans
chacune de ces localités, la corruption des maires, les syndicats
liés à des choses plus ou moins louches, les questions de
misogynie, les scandales sexuels de dirigeants et de conseillers
municipaux. C’est une accumulation de faits. Et les gens du commun
vont dire « ces indiens
masistesii ».
Ils ne représentent pas tout ce que sont les bases du MAS,
mais s’est accumulée une rage contre ces arbitraires systématiques
que donne le pouvoir arbitraire, parce que ce n’est pas un pouvoir
qui vient d’en-bas, ce n’est pas un pouvoir faire, c’est un
pouvoir de domination, de contrôle.
Le contrôle est presque une exigence d’État. À certains
endroits il y a eu négociation, mais à d’autres il s’agissait
systématiquement de discipliner et, sinon de diviser l’organisation.
C’est ce qui s’est passé sur le Territoire Indigène et Parc
National Isiboro-Sécure (TIPNIS) et partout. À Totora Marka les
maris l’ont emporté sur les femmes au sujet de l’autonomie, les
autonomies existantes ont été énormément mises sous tutelles.
Mais nous sommes sur le point de les récupérer.
Il y a, au-dessus de nous, quelque chose de très sérieux, c’est
un secteur de la droite qui est revanchard. C’est pour moi une
manière d’attiser aussi le racisme. D’un côté il y a les gens
du commun qui enragent face à l’arbitraire du pouvoir distribué
aux secteurs populaires, et eux, qui sont et restent les secteurs
populaires et qui ont renié ces formes arbitraires ; et de
l’autre côté il y a le ressentiment accumulé par les oligarchies
suite à la perte du pouvoir et de l’influence publique, et ça
c’est du revanchisme.
- Evo Morales et Alvaro Garcia ont déclaré au Mexique qu’ils
avaient été expulsés pour avoir gouverner pour les indiens.
- Le racisme se niche également au sein du MAS. Pour moi c’est
raciste de dire à un rassemblement indigène que le soleil va se
cacher et que la lune va s’échapper si ils ne votent pas pour eux.
Ça c’est croire que les gens sont idiots. De plus il ne l’a
jamais dit en aymara, il ne l’a jamais dit en quechua, c’est
une allocution tronquée, parce qu’il parlait et il y avait un
médiateur qui traduisait et qui a possiblement traduit de façon
biaisée. Pendant ce temps il n’y a pas de possibilité pour la
population indigène de parler ses propres langues et penser avec sa
propre tête au sien de n’importe quelle instance publique, et ça
c’est mauvais.
- Pourquoi l’indien est-il vu, et traité par le pouvoir, comme
un pauvre ?
- Il y a toute une stratégie mondiale que j’appelle le
misérabilisme, qui dit qu’être indien équivaut à être pauvre
et que pour cette raison il faut tout lui donner, et tout lui
apprendre car il ne pense pas. La pensée qui se niche chez les gens
du commun, qu’il parle ou non une langue natale, est nourrie d’une
expérience de vie qui fait que ses idées ont un ancrage et qu’elles
expriment des choses puissantes. Moi, je me nourris de ça. La
pauvreté, appelée ainsi en ce qui les concerne, est pour moi une
richesse oubliée, une richesse niée.
- Qu’est-ce qui se passe quand on critique un gouvernement
progressiste ? Pourquoi les qualificatifs de traîtres, de
vendeur de la patrie, de droitard pour ceux qui se questionnent ?
- C’est une gauche archaïque qui nous accuse, une gauche qui en
plus a pour ambition de représenter les indiens sans les connaître.
Une gauche masculino-centrée qui a entraîné tout le monde à se
sentir honteux d’avoir une pensée critique. J’appelle ça la
nouvelle pensée unique. Le cas bolivien entretient une relation très
forte avec une coalition de gauches continentales liées à ce qu’on
nomme les progressismes, qui ont des remords parce qu’ils sont
procapitalistes, et qui, par exemple, veulent faire une centrale
nucléaire à El Alto, où il y a une faille géologique, mais en
réalité ils veulent l’uranium.
Les journalistes qui ont le devoir d’enquêter sur ce que font
ces BRICS en Amérique Latine et sur leur façon de faire pour que
les progressismes fassent en sorte que leurs investissements ne
soient pas remis en question par le peuple. Ça se fait à travers
les manipulations symboliques. Les gens doivent se souvenir de la
manière dont des porte-paroles blancs, qui ne parlent pas les
langues natives et qui font d’importants investissements, ont fait
taire les personnes indigènes dans les forums publics.
Qui sont ceux qui rentrent dans ce schéma capitaliste ? De
quelle couleur sont-ils ? Quel langue parlent-ils ? Et on
va se retrouver avec la même structure que toujours.
- Quelle relation entretient ce que tu viens de décrire avec ce
qui se passe en Colombie, en Équateur, au Chili…
- Moi, je fais partie de celles qui regardent depuis en-bas. Avec
le Chili, il y a des aymaras des deux côtés de la frontière
et tout un processus de désirs de quelque chose de différent. Au
Chili il y a une cordillère qui est toujours menacée par ces BRICS
et par tous les investissements néfastes, tel des parcs éoliens et
autres projets. Il se passe la même chose avec l’Argentine, de
même en Bolivie. Ici, nous n’avons pas de nations, nous avons des
régions, des territoires. Moi, j’appelle tout cela la matrie. La
patrie ce sont les frontières, la matrie c’est le sous-sol indien
de l’Amérique, de notre continent. C’est dans ce sous-sol que
nous devons poser les fondations des nouvelles structures politiques,
le plus loin possible.
- Crois-tu qu’il existe en ce moment en Bolivie un espace pour
cette construction depuis en-bas ?
Tout ce que tu aimes demeure, comme le dit
Ezra Pound. Ce que tu
aimes, les gens, la vie, perdure. Au milieu de l’incendie
refleurissent de petites plantes. Nous sommes en train de
reconstruire ce tissus abîmé. Il y a un texte au Musée
d’Anthropologie qui dit que notre vie s’est transformé en un
réseau de trous, selon un poète anonyme nahuatl. Ces trous nous
devons les raccommoder, et ce raccommodage ce sont les collectifs,
les collectives, et les petits groupes, les quartiers et les petites
associations et coopératives qui le font. Chaque
jour nous tissons plus de liens.
Nous avons mis en place les veillées palabrementaires, et nous
allons continuer car cet imaginaire est en train de se multiplier.
Les Mujeres Creando ont
créé le Parlement des Femmes, mais il y a également je ne sais
combien de parlements convoqués partout où il y a des femmes, des
hommes, des grand-mères, des nonnes. Cette société n’a pas
renoncé à ses droits, à sa mémoire, à son autonomie, et au fait
que l’indien est en chacun de nous. Nous n’allons pas renoncer ni
retourner en arrière, il y a 17 ans.
Je dis bien 17 ans, et non 14. L’Agenda d’Octobre comportait
un quatrième point : nous auto-représenter sans
l’intermédiaire de partis politiques. Mais ce qu’a fait
dernièrement le MAS, à l’apogée de son abâtardissement, c’est
de faire une loi pour les partis politiques où on ne vote plus de
façon uninominale et où il n’y a plus d’associations
citoyennes. Il devrait y avoir un ayamara à la cour
électorale. Chez moi, le candidat c’est Williams Bascopé, civil
de La Paz, né à Santiago de Okola, une région sacrée du lac
Titikaka, également locuteur de l’aimara mais avocat
constitutionnaliste. Ceci est un exemple, mais il doit y en avoir
beaucoup d’autres.
Il est nécessaire de rompre avec cette loi absurde d’élections
primaires et de partis politiques et reprendre, bien que ce soit
boiteux, la loi précédente qui donnait aux associations citoyennes
la possibilité d’avoir une personnalité juridique et la capacité
de décider de bien plus de choses depuis en-bas. Comme ils ont vu
qu’ils ne pouvaient plus contrôler cela, car ce n’était pas
entre leurs mains, alors ils ont imposé le monopole du parti.
Au début de leur gestion, Alvaro et Evo disaient que le MAS
n’était pas un parti, mais une articulation de mouvements sociaux,
quelque chose dont l’histoire a démontré qu’il n’en était
rien. C’était tellement un parti et tellement archaïque qu’il
n’y avait même pas de démocratie interne. Ils faisaient leur
petite cuisine et ils distribuaient le discours, et ensuite les
organismes entre information, communication, presse, radio, se
chargeaient de générer une conscience revancharde.
- Qu’est-ce qui a plongé la Bolivie dans cette crise politique
actuelle ?
- Ce processus vient de la fraude et de la négation de la fraude.
La négation de la fraude a quelque chose à voir avec la
distribution échelonnée de l’information. Il y a des endroits où
rien d’autre n’arrive que le canal 7iii
et les chaînes de l’extérieur entièrement distractives, mais
cette information va entrer dans la conscience. Si à cela on ajoute
que le vice-président, en son temps, avait dit qu’ici le soleil
allait disparaître et la lune se cacher si Evo ne gagnait pas, et ce
n’était pas juste des paroles, ils venaient aussi avec des tas de
cadeaux. On disait ça et ils offraient des cuisines ou des terrain
de gazon ou n’importe quoi d’autre, une véritable campagne de
prébendes.
J’ai distingué trois formes de fraude qui ont fonctionné, dont
deux d’entre-elles notoirement lors de l’élection précédente.
Lors de l’élection précédente il y avait ce que j’appelle une
fraude de prébendes, c’est à dire qu’en échange du vote ils
offre des cadeaux. Le deuxième type c’est la fraude coactive, où
c’est le syndicat qui dit qu’ici tous votent comme ça, les
femmes se taisent, il n’y a pas de délibération. C’est le
contrôle du vote, où les gens sont obligés de montrer qu’ils ont
voté. « Si vous votez à 100 % je vous donne tout ce que
vous voulez », a dit Morales, et le « tout ce que vous
voulez » faisait briller les yeux des dirigeants, mais ce
n’était que des principes symboliques.
La possibilité de donner de bonnes choses aux communautés, comme
un système de sauvetage de semences ou un système pour l’eau, n’a
pas été réalisée. Tout ce qu’on a vu ce sont des terrains, des
stades, des choses ornementales qui ont tout à voir avec des biens
de prestige. Et ainsi, si une communauté possède un stade, l’autre
veut un autre stade, même si il ne doit y passer que quatre chats,
rien de plus. On a généré une culture de l’État paternel, de
l’État qui te donne tout.
Tout cela est donné grâce à l’argent du gaz, qui est le
produit d’années de lutte et de collectivités entières qui ont
cherché à ce que ces ressources soient portées sur la formation
d’une société harmonieuse, forte, belligérante, capable de vivre
par elle-même. Les collectifs de l’eau, des semences, les gens qui
travaillent pour que les gens aient foi en leur propre capacité de
gérer leur vie, leurs ressources, c’est tout ce qui a été
systématiquement retiré aux gens durant des années. Il y a une
idée masculine répandue qui dit qu’il n’y a pas d’autre forme
qu’un État qui te donne tout. C’est pourquoi il doit être
centralisé, et pour cela l’autonomie indigène doit être mise
sous tutelle, c’est pour ça que celui qui s’oppose est
antipatriote, antinational. L’idée du nationalisme a fait beaucoup
de mal parce qu’à chaque frontière, il y a un peuple indigène
qui se retrouve des deux côtés.
Le troisième niveau de fraude c’est l’informatique, c’est
l’actuel. Avant ça existait déjà, mais c’était de la
micro-fraude, parce qu’ils faisaient voter quelques morts, quelques
femmes retraitées ou je ne sais qui. Selon moi, aujourd’hui la
majorité parlementaire est le produit de l’addition de ce genre de
fraude. L’autre chose qui me semble avoir été très astucieux,
c’est que tout espace intermédiaire au parlement, en tant que
potentialité, a été nié et rogné. On a refusé toute
personnalité juridique à tous ceux qui n’étaient pas d’extrême
droite. L’extrême-droite sert à polariser le pays et à prétendre
que rien d’autre n’existe.
Je considère Carlos Mesaiv
(le candidat d’opposition à la présidence, pour
Comunidad Ciudadana) un peu à côté de la plaque quant à ce
qui a cours dans le pays, mais il a fait un effort en s’alliant au
PRIN (Parti Révolutionnaire de la Gauche Nationaliste), même si de
manière insuffisante, de façon à ce que le MAS a pu dire que c’est
la droite et que prospère ainsi l’idée du coup d’État,
avertissant que si Carlos Mesa devait gagner s’en serait fini du
soleil, de la lune, de l’eau, du gaz et tout. La campagne a
vraiment été sale.
i Homme
politique bolivien, il fut élu vice-président à l’élection de
2005 d’Evo Morales, puis réélu en 2009, 2014, ainsi qu’en 2019
lors de la réélection contestée de Morales en 2019 et qui ont
débouché sur son exil au Mexique en compagnie du président et sur
les évènements en cours depuis.
ii Partisans
du MAS, Mouvement Vers le Socialisme, parti d’Evo Morales.
iii Chaîne
de télévision publiques bolivienne, critiquée pour sa proximité
avec le pouvoir.
iv Homme
politique bolivien, il fut vice-président de Gonzalo Sánchez de
Lozada, avant de lui succéder à la présidence suite à la guerre
du gaz en 2003. Vice-président, il porte une responsabilité dans
la répression des mouvements sociaux contre la privatisation du
gaz, qui fit 80 morts et 500 blessés.
Une nouvelle traduction du serpent@plumes concernant ce qui se passe en Bolivie. C'est encore une voix féminine, une voix indigène également qui s'exprime ici, à travers la voix d'Adriana Guzmán, pour le média Pie de Pagina.
« Ce n’est pas un coup porté à l’État, mais aux
peuples »
Adriana Guzmán, féministe communautaire aymara, prévient :
ce qui se joue en Bolivie, ce n’est pas le siège présidentiel ou
le retour d’Evo Morales, mais la volonté d’une nouvelle
colonisation des peuples indigènes. Elle questionne le féminisme
qui, depuis l’université, est incapable de regarder un mouvement
indigène, et elle envoie un message au Evo : « les
morts ne se négocient pas ».
Source :
https://piedepagina.mx/este-no-es-un-golpe-al-estado-es-a-los-pueblos/
Depuis dimanche dernier, lorsque Evo Morales a annoncé sa
démission en tant que président de la Bolivie et le tout provoqué
par un coup de force militaire, Adriana Guzmán Arroyo a commencé à
envoyé des messages audios décrivant ce qui se passait dans son
pays : « Ce coup n’est pas seulement contre l’État.
C’est un coup porté aux peuples. Nous ne nous battons pas pour le
siège présidentiel. C’est pour notre dignité ».
Adriana est une femme indigène de la communauté aymará. Elle
participe au Féminisme Communautaire Anti-patriarcal de Bolivie.
« D’abord nous sommes devenues féministes. Puis
communautaires. Ensuite nous nous sommes rendues compte que la
communauté aussi pouvait être patriarcale. C’est pourquoi on
s’appelle ainsi. »
En entretien téléphonique pour Pie de Página,
elle affiche sa posture vis à vis de Evo, des féminismes. Elle
raconte aussi le processus d’organisation
des peuples et des travailleurs dans son pays, qui a débuté en
2003.
« Ils
nous donnent la Bible, ils nous remettent entre les « mains de
dieu »
et ils
brûlent le whipala. Ils disent qu’ils vont exproprier la
pachamama ».
Pas la paix. La
justice !
La répression des manifestations a fait une vingtaine de morts en
une semaine. Il y en a maintenant pour parler de dialogue avec le
gouvernement intérimaire. Mais les organisations sociales refusent
cela. « Les organisations ont décidé qu’on ne dialogue pas
sur nos morts. Nous ne voulons pas la paix, nous voulons la justice.
Nous voulons que soit rétabli l’État de droit et la démission de
Jeanine Áñez ».
Adriana Guzmán prévient : ils veulent imposer un nouveau
processus de colonisation aux peuples originaires. C’est pour cela qu’ils ont apporté la Bible, qu’ils ont
brûlé le whipala. Que dans les rues ils ont surtout agressé les
femmes portant des polleras (jupes amples, à jupons),
explique-t-elle. C’est ce qui a fait descendre les gens dans la
rue.
« Dans les manifestations on criait :
« Touchez pas au whipala, merde ! ».
« Touchez pas aux femmes en polleras,
merde ! ».
Ils
se sont attaqué à des symboles et organisations, résume-t-elle :
les premières attaques ont visé les radios communautaires.
C’est
pourquoi, on peut débattre de l’erreur de la réélection du
président, ils n’ont pas déposé Evo Morales pour des questions
électorales. « Ils ne lui pardonnent pas d’être indien »,
résume-t-elle.
C’est
pourquoi les organisations sociales ont fomenté un plan d’action
pour se défendre, ce qui inclut le blocage de routes et de villes.
Le tournant : le
massacre du gaz
Un moment historique qui ressort et se distingue à divers moments
de l’entrevue, c’est le massacre du gaz, en Bolivie en 2003.
Gonzalo Sánchez de Lozada, alors président, mit en œuvre
diverses mesures impopulaires. Celles-ci incluaient l’exportation
de gaz par l’intermédiaire de ports chiliens, à un moment où la
couverture intérieure était très limitée. En octobre, le
président autorisa l’intervention de l’armée face aux
protestations sociales. Ce qui coûta la vie à au moins 63 personnes
lors de ce qu’on appelle le massacre d’octobre ou massacre du
gaz.
Carlos Meza, qui fut candidat face à Evo Morales aux précédentes
élections, et actuel leader des mobilisations contre sa réélection,
était vice-président durant le mandat de Sánchez de Lozada et fut
mis en cause dans cette répression. Mais ceci n’est jamais évoqué
dans les médias internationaux.
Pour Adriana Guzmán, c’est le tournant pour le mouvement
social en Bolivie. Ce processus a amené l’élection de Evo Morales
en 2004, le premier président indigène de toute l’histoire du
pays. Il a amené la nationalisation du pétrole, et une série de
changements structurels. Tout cela, explique-t-elle, fut un processus
difficile, plein d’erreurs – comme de bonnes idées. Avec des
actions non abouties. Mais qui oui, ont amélioré les conditions de
vie des peuples indigènes.
« Ici
les peuples sont acteurs. Et il en fut ainsi pendant 13 ans. Mais
avec cette démocratie représentative, le pouvoir ne voit que Evo »,
indique-t-elle.
-
Alors ce processus ne disparaît pas avec Evo ?
-
Non. Il ne commence ni ne se finit avec le Evo. Il a commencé
avant, et il se poursuit aujourd’hui.
Un président indigène
dans un pays indigène
Le
fait de se reconnaître, de se voir en Evo Morales, en tant que
peuple, revient encore et encore au cours de l’entretien. Par
exemple : dans son expérience d’éducatrice d’enfants. Elle
se souvient qu’avant 2003, quand on demandait aux enfants indigènes
ce qu’ils voulaient faire plus tard, ceux-ci répétaient les
métiers de leurs parents. Aujourd’hui ils disent qu’ils veulent
être présidents, comme le Evo.
« Moi,
je ne crois pas en l’État, rit-elle. Mais je ne peux pas nier
qu’il y a eu un changement : que les enfants aspirent à
quelque chose de différent ». Et ça, d’un point de vue non
indien, depuis un corps qui n’a pas souffert de discriminations, ça
ne se voit pas.
Adriana souligne
certains changements de ces 13 années :
- Université pour les masses ;
- Université indigène, liée aux besoins des communautés ;
- Accès à la santé ;
- Nationalisation des hydrocarbures (impulsée par les peuples) ;
- Création d’un réseau de radios communautaires qui a permis
la communication et l’organisation entre différents groupes (c’est
l’une des premières choses que cibla le coup de force militaire). Mais il y a aussi des critiques concernant ce qui n’a pu être
transformé :
- Les privilèges des propriétaires terriens et des entrepreneurs
n’ont pas disparus,
- Il n’a pas été mis fin à la politique extractiviste,
- Les pratiques machistes persistent effectivement,
- Le travail de formation politique n’a pas été fait dans les
universités.
L’organisation communautaire
- Comment
avez-vous réalisé
cette organisation sociale et communautaire ? - En
Bolivie, tout comme au Mexique, il existe une mémoire communautaire
très forte. Une
mémoire ancestrale, des pratiques communautaires. Sauf qu’en
Bolivie, il n’y a pas ces grandes villes monstrueuses. Ce sont de
petites villes. Et il y a une mémoire très forte qui résiste au
devenir
ville. Même
la ville d’El Alto est une ville communauté. Et il y a toute cette
mémoire. Nous comptons 500 ans de résistance.
« Le
problème c’est que le néolibéralisme
était
en train de détruire les organisations et de
nous faire
mourir de faim. »
Ce fut alors l’élection
de Evo Morales. Cela, explique-t-elle, leur a donné de l’air pour
s’organiser.
Les hydrocarbures ont
été récupérés et il y a eu une redistribution de la richesse.
Cela nous a donné du temps pour penser. Nous, femmes, par exemple…
sinon
je serais dans autre chose, mais pas le féminisme. Je ne suis pas
une universitaire. Je
n’ai pas terminé l’université, comme beaucoup de mes
compañeras.
Mais ce processus à exigé de nous que nous pensions au type de pays
que nous voulions.
Tout au long de ces 13
années, de nombreuses
rencontres
ont été organisés en Bolivie. Ceux-ci, « en eux-mêmes sont
des espaces pour repenser la justice, à partir de la justice
communautaire ». Ces rencontres ont été, à l’occasion,
critiquées. « Mais ces rencontres ont favorisé la
réflexion ».
Nous avons eu du temps
pour nous rassembler, pour penser, pour réclamer la retraite
universelle. Que l’État paie aux femmes ce qu’elles ont
travaillé. Qu’ils nous donnent accès à la santé, qu’ils nous
donnent la retraite. Nous avons pu penser à différentes choses ».
« Le
racisme l’a emporté sur le féminisme » - Evo a été durement
critiqué du point de vue du féminisme. Vous, en tant que féministe,
comment évaluez-vous cela ? - Nous sommes devenues
féministes pendant le massacre du gaz en 2003. Il s’agit d’un
massacre terrible qui s’est déroulé il y a 16 ans. Et depuis,
nous avons appris à construire le féminisme. Mais
toujours depuis les organisations sociales, paysannes, ouvrières.
Bien évidemment, les compañeros
sont machistes, et ils cherchent
à nous
piéger,
mais nous ne nous voyons pas faire du féminisme depuis un bureau ou
l’université. De plus, ajoute-t-elle,
ce féminisme, qui n’a pointé du doigt que Morales, a
paradoxalement un regard « phallocentré », centré sur
l’ex-président bolivien.
"Il y a un
regard féministe phallocentré sur Evo. Le
Evo,
comme la plus part des hommes, était, est machiste. Mais ce
processus que nous avons mis en œuvre pendant ce temps, nous l’avons
tous mis en œuvre. Oui, nous avons réalisé un changement. Bien
sûr, non sans problèmes, ni erreurs ni manques. Mais [ce
changement] existe, et c’est un processus qui ne concerne pas
uniquement Evo. C’est
ce qu’elles, elles ne voient pas. Je le résume par le fait que le
racisme l’a emporté sur le féminisme."
De ce point de vue, d’un
féminisme distant, les critiques « sont réduites, parce
qu’elles ne voient pas au-delà d’Evo. Et au-delà il y a un pays
qui a été transformé, pas comme nous le souhaitions, mais qui a
été transformé. »
Adriana ajoute,
disserte. « Oui, il y a une lecture féministe. Oui, il y a une
lutte entre machos. J’en conviens. Mais la querelle est plus
grande, elle est structurelle. Il s’agit de nous éliminer (les
peuples indigènes), pas physiquement mais symboliquement ».
« Notre
position en tant que féministes communautaires ne prend pas la
défense d’Evo, mais la défense de ce changement. Un changement à
travers l’État parfois, et malgré l’État d’autres fois. »
Message à Evo :
réfléchis
La
féministe en profite pour envoyer un message au Evo.
Premièrement : « lui, il ne peut pas en appeler à des
négociations de paix, parce qu’il y a des morts. Et « on ne
négocie pas sur le dos des morts ». Ça, souligne-t-elle, ce
sont la Centrale Paysanne, les organisations sociales qui l’ont
décidé. Deuxièmement : Evo ne peut rien apprendre à
personne, parce qu’il n’est pas là. « C’est nous qui
sommes dans la rue ».
Ceci
dit, explique Guzmán, « c’est bien qu’il (Morales) soit
parti. Parce qu’il l’aurait au moins emprisonné ou tué,
estime-t-elle. Et bien que nous le critiquions, nous nous
reconnaissons aussi en lui ». Et ça, remarque-t-elle,
souligne-t-elle, « ce n’est pas un détail ».
Second
message : « C’est important qu’étant en sécurité,
il développe sa propre réflexion. Sa propre autocritique. Pour voir
le sens de ce mouvement. Le
Evo a envisagé pouvoir revenir… mais non. En ce moment il doit
rester là (au Mexique). Ce qui va maintenant se passer dans les
rues, appartient au mouvement paysan, aux peuples originaires, aux
ouvriers, à la centrale ouvrière (pas tous mais une partie), aux
travailleurs des mines, aux femmes créatrices. Au Conseil de
Voisinage de la ville de El Alto, qui en 2003, a sorti le président
qui commit le massacre. »
Elle
ajoute : les mouvements de rue « ne peuvent pas être
populistes. Evo, maintenant, n’a pas à revenir. Il doit laisser
cela être réglé par la rue. Mais oui, qu’il réfléchisse, qu’il
regarde le mouvement zapatiste ».
Moins médiatisés que les révoltes au Chili ou à Hong Kong, les
évènements qui secouent en ce moment la Bolivie sont, sans doute plus
que les autres, caricaturés:
coup d'état militaires pour les
partisans d'Evo Morales, victoire de la démocratie contre la dictature du
MAS et de Morales pour la droite et l'extrême droite. Ce changement de pouvoir s'accompagne au mieux du silence complice
de la plus part des gouvernements des grands pays et au pire du soutien et
de la reconnaissance de l'auto-proclamée présidente par intérim Áñez (qui
semble avoir une bible greffée à la main). Bref, il semble bien compliqué de comprendre ce qui se trame dans ce pays andin. Je partage donc quelques textes qui semble éviter les caricatures afin de comprendre ce qui se passe dans le pays andin.
- un texte qui tente de prendre en compte le contexte de l'histoire
politique bolivienne mais qui porte une vision politique sans doute trop
marquée par l'émergence de cette gauche latino-américaine de
gouvernement: https://blogs.mediapart.fr/…/…/bolivie-comment-evo-est-tombe
- enfin, un texte plus politiquement marqué, quoi qu'encore emprunt
d'un certain légitimisme, mais qui sans se noyer dans le contexte
socio-historico-politique, se focalise sur les évènements présents et
les forces en présence: https://agitationautonome.com/…/bolivie-un-soulevement-pop…/
Participation de Silvia Rivera Cusicanqui1
au Parlement des femmes de la Paz, qui s’est tenu à La Paz,
Bolivie, le 12 novembre 2019.
Silvia Rivera Cusicanqui - photo de Desinformémonos
J’ai un très sérieux problème de genoux, il paraît que c’est
l’orgueil. Je suis orgueilleuse, effectivement, d’être une
femme, et aussi d’une certaine manière d’être restée
silencieuse tout ce temps, parce qu’à moi la patrie m’a offert
cet accident. Juste le 23 je suis tombée en semant avec ma fille à
Cochabamba, et cela m’a donné le ton de la nécessité d’une
certaine politique du silence.
J’ai ressenti une excessive saturation discursive. J’admire
l’internet des grains de sel,
mais j’aime la communication face à face, c’est pour ça
que j’ai préféré venir ici et non le faire depuis chez moi,
parce que je peux voir les yeux, je peux sentir l’atmosphère, je
peux même entendre les broncas contre moi. Tout cela m’aide
à être moi-même, à être humble, a être aimable et non
prétentieuse. Cette conjoncture nous offre une grande leçon contre
le triomphalisme.
Je ne crois en aucune des deux hypothèses qui ont été
présentées. Le triomphalisme qui dit qu’avec la chute de Evo nous
avons retrouvé la démocratie me paraît excessif, une analyse qui
vise à côté. Il manque beaucoup pour retrouver la démocratie, il
manque un travail de fourmi, une reconnaissance de l’état actuel
de doña Ena Taborga à Rositas2,
les compañeras de Tariquía3,
les compañeras du TIPNIS4
(Territoire Indigène et Parc National Isiboro-Sécure), doña
Marquesa, doña Cecilia, toutes les femmes en lutte, quelque
soit leur lutte. Quelques-unes d’entre-elles ont même été
candidates, mais il nous manque de prendre en charge ces réalités
où la démocratie demeure encore un but très éloigné, parce
qu’elles sont encore et toujours dirigées par des syndicats
prisonniers de la misogynie, d’intérêts très divers qui se
rapprochent avec des intentions menaçantes. Il y a aussi des gens
qui se sont interposés, qui ont lutté, et qui cependant, à l’heure
de figurer dans les espaces publics, se sont vus privés de parole,
comme ce fut le cas à Tariquía.
C’est pourquoi je pense que ceci est un bon forum, positif, afin
de commencer à discuter de ce qu’on entend par démocratie et par
être indien ou indienne ou originaire. La seconde fausse hypothèse,
qui me semble à moi hautement dangereuse, c’est celle du coup
d’État, qui ne cherche qu’à légitimer, tout entier, avec le
paquet et tout, enveloppé de cellophane, tout le gouvernement de Evo
Morales dans ses moments d’abâtardissement les plus forts. Tout
cet abâtardissement, le légitimer par l’idée du coup d’État,
c’est criminel, et pour autant nous devons réfléchir sur les
causes de cet abâtardissement.
En entrant ici il y a une heure, j’ai donné à deux personnes
une photocopie du journal du 2 novembre. Je veux que vous voyiez
qu’un type appelé Juan Ramón Quintana5,
annonçait le 2 novembre la vietnamisation du pays, ce que lui a fait
durant des années, c’est à dire endoctriner, c’est à dire
pousser les indigènes dans des réseaux des mafias militaires, comme
ça a été fait dans de nombreuses communautés. Hugo Moldiz6,
qui a travaillé avec ceux qu’on appelle les Ponchos Rouges7…
Moi j’ai connu d’autres Ponchos Rouges, moi j’ai connu des
frères et des sœurs qui allaient en famille à la colline pour
effectuer un rituel avant de partir à la bataille. Ça ce sont les
Ponchos Rouges que moi j’ai connu. Ce qu’a fait Hugo Moldiz le 22
janvier 2006 c’est amener une armée en uniforme et parfaitement
armée.
Il a fait croire que nous étions face à un gouvernement
révolutionnaire dans le style cubain,
mais nous engueulaitpourles nostalgies
gauchistes d’un groupe de machos qui ne sont pas seulement les
machos de Camacho8,
mais aussi les machos gauchistes, misogynes, qui nous traitent comme
chair à canon et comme chair à hameçon afin de créer leurs
réseaux de perversion des secteurs populaires.
Je me souviens très bien quand les militaires ont fait une grande
orgie avec la COB (Centrale Ouvrière Bolivienne), avec des femmes,
afin d’influer sur leurs objectifs. Nous n’avons pas pu nous
rendre compte que cela était systématique, que ça a duré des
années. Ce personnage et tout son réseau de militaires incluant
l’homme qui contrôle les téléphériques. Je suis témoin de
l’utilisation politique des téléphériques, de distribution de
cartes pour que le prix baisse et massacrer et détruire les
pumakataris9.
Tout cela tisse un obscur réseau incluant le directeur de l’ANH
(Agence Nationale des Hydrocarbures), un intime de Quintana. Que
vient faire l’ANH dans les incendies ? Elle offre des réchauds
à gaz. Cette chose honteuse qui est accompagnée d’une défense
des incendies est en train d’unir les luttes des femmes, les luttes
écologistes, des jeunes, des vieilles comme moi qui sont préoccupées
par le futur et par l’eau que consommeront leurs petites-filles et
les filles de leurs petites-filles.
Je suis très attristée qu’Evo soit parti, mais l’espoir
d’une Bolivie pluriculturelle n’est pas parti, l’espoir que le
whipala10
nous représente dans ses différentes variantes n’est pas parti,
l’espoir d’en finir avec le racisme n’est pas parti. Nous
devons continuer sur le front antiraciste, et nous devons continuer à
rassembler des forces afin de pouvoir articuler l’impression de
récupérer la démocratie au jour le jour. J’ai beaucoup de peine
concernant ce qui s’est passé, je n’ai pas la moindre sensation
de triomphe.
Je sais bien que la religion ce n’est pas seulement Camacho,
c’est la bronca face l’enivrement généralisée qu’a été le
travail syndical de Quintana et ces flics qui viennent avec des
canettes d’alcool. Voilà ce qui me fait mal, c’est le même
mécanisme qu’utilisaient les colonisateurs au XVIIe siècle,
désarmer les communautés en leur donnant des canettes d’alcool.
Mais aussi, les propriétaires terriens et les entrepreneurs qui
souhaitaient se libérer de la réforme agraire, comme Ponce
Sanginés11,
qui distribua de l’alcool et il eut toute une hacienda
d’indiens folkloriques à exhiber dans des musées.
Nous devons comprendre pourquoi les gens réagissent de cette
manière réactionnaire. Ils sont fatigués d’un certain type de
politique syndicale, misogyne, qui dirige les gens comme s’ils
étaient du bétail. Les femmes de Totora12,
qui ont été celles qui ont lutté pour une autonomie indigène, ont
été vaincues par leurs propres maris et leurs proches qui leur ont
tendu le piège du referendum.
Ce qui s’est passé est bien triste, compañeras, et le
triomphalisme d’avoir récupéré la démocratie à partir du
moment où Evo est monté dans un avion, me semble d’une banalité
et d’une pauvreté impressionnante, mais le défaitisme qui dit
qu’il y a ici un coup d’État et que tout est perdu est faux.
C’est penser que le MAS est l’unique possibilité que nous avons
d’être inter-ethnique, pluriel, pluriculturelle. Parce qu’il y a
un ministre gay et quelques femmes qui défendent apparemment le
lesbianisme, ont devraient croire qu’il y a une démocratie
inter-culturelle et ample et anti-homophobe ? Non, ça ce sont
des utilisations symboliques.
Je suis avec le whipala et je sais qu’il y a de nombreux
types de whipala, il n’y en a pas qu’un seul. Nous
connaissons de vieux whipalas, ils avaient d’autres couleurs
bien différentes. C’est cette pluralité que nous devons
récupérer, mes sœurs, et aussi la possibilité de nous rapprocher
entre femmes et indiennes et indiens. J’ai pleuré en voyant la
maltraitance des femmes qui porte la pollera13
au nom de la démocratie, j’ai pleuré en voyant de très jeunes
gens maltraités en disant qu’ils sont indiens. L’indien ou
l’indienne qui est en nous, nous fait très mal. Ça dépend
beaucoup de nous de la libérer et de la rendre heureuse, capable de
parler plusieurs langues, d’avoir une fonction de pensée
théorique. Voilà ce qu’est pour moi l’être indien.
Je me sens à moitié défaite, mais aussi pleine d’espoir. Nous
nous sommes beaucoup dressé pour ce processus et nous avons souffert
de son abâtardissement aux mains de ces flics entraînés à l’École
des Amériques14.
Ils ont beaucoup à perdre, ils ont perdu 30 péniches chinoises,
mais ils ont tout le lithium. C’est ça qu’ils veulent piller.
S’il vous plaît, que ce parlement génère un espace où
articuler une unité contre ces forces sinistres que commencent à
être l’IIRSA (Initiative pour l’Intégration de l’Infrastructure
Régionale Sud américaine) et aussi les capitales chinoises, russes,
vénézuéliennes et toute cette mafia qui représente l’ennemi
principal qui est toujours vivant et en bonne santé et qui arme les
gens, les mentalités. Prenons bien soin de nous, mais soyons
également conscientes que nous ne pouvons tomber dans la joie
qu’enfin l’indien soit parti. Ça, c’est pour moi très
douloureux.
1 Sociologue,
activiste, théoricienne contemporaine et historienne bolivienne,
elle a travaillé sur la théorie anarchiste, ainsi que sur les
cosmologies quechua et aymara. Elle fut cofondatrice et directrice
en 1983 de l’Atelier d’Histoire Orale Andine (THOA pour
l’acronyme espagnol) et dirige actuellement le collectif Ch’ixi.
Ce mot évoque une couleur issue de la juxtaposition de couleurs
opposées, proche du concept élaboré par René Zavaleta,
philosophe et sociologue bolivien, de « société bigarrée »,
qui exprime la coexistence parallèle de multiples différences
culturelles. Elle travaille également directement avec les
mouvements indigènes, notamment tupacataristas et cocaleros.
2 Projet
hydro-électrique qui menace une zone protégée en Bolivie et
rejetée par les communautés.
3 Réserve
nationale de la faune et de la flore de Tariquía.
4 Parc
national créé en 1965 et déclaré territoire indigène en 1990 à
la suite de la lutte de peuples natifs. En 2011 un projet de route
traversant le territoire, lancé par le gouvernement de Morales, a
été abandonné à la sutie d’une forte opposition et d’une
répression féroce.
5 Militaire,
sociologue et homme politique bolivien. Il fut ministre lors des
trois premiers gouvernement de Morales. Il a été l’une des
figure de proue du MAS (Movimiento al Socialismo / Mouvement vers le
Socialisme).
6 Avocat,
journaliste et universitaire bolivien, brièvement ministre du
troisième gouvernement de Morales, en 2015.
7 Groupe
indigène radical soutien de la refondation de la Bolivie proposée
par Morales dans la nouvelle constitution, spécialement les idées
donnant plus de pouvoir à la majorité indigène et expropriant les
terres non utilisées.
8 Quasiment
inconnu sur la scène internationale il y a encore quelques
semaines, cet entrepreneur ultra-réactionnaire, raciste et
catholique, est devenu la figure principale de l’opposition au
gouvernement de Morales. Ses supporters se font appeler les « machos
de Camacho ».
9 Service
public de bus urbain mis en place dans un contexte de féroce
concurrence du secteur des transports des personnes.
10 Nom
donné aux drapeaux rectangulaires, à sept couleurs, utilisées par
les groupes ethniques des Andes. Il en existe de nombreuses
variantes.
11 Arquéologue
qui a notamment étudié le site archéologique de la Cité du
Soleil de Tiahuanaco.
12 Petite
ville du département de Cochabamba et chef-lieu de la province de
Carrasco.
13 Jupe
bouffante traditionnelle.
14 Célèbre
école militaire US où ont été enseignées aux militaires
latino-américains les doctrines de contre_insurrection et inculqué
une idéologie anti-communiste.