"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

21/02/2012

Droit de succession des biens numériques


 Voici la traduction d'un article paru sur le site alt1040.com (en espagnol) qui explore une facette encore peu exploré de la propriété intellectuel dans le monde numérique. L'article s'est intéressé à la question de la transmission des biens que nous acquérons en ligne, après notre mort. Si dans la vie physique, nous pouvons transmettre facilement nos cds ou livres à nos proches, le vide juridique qui perdure concernant nos biens immatériels est une fois encore en défaveur des consommateurs et privilégie les droits des plate-formes de téléchargements.

A notre mort, nos achats en ligne redeviennent la propriété des plate-formes numériques
21 de febrero, 2012, 10:28

Dans le monde physique, quand une personne décède il semble raisonnable de penser que ses biens reviennent à ses proches, par le biais d'un testament ou d'un rituel de la vie. A-t-on les mêmes droits dans le monde numérique ? Qu'advient-il de nos achats ou téléchargements de matériel digital ? Cette même question a été soulevée sur la page which ? qui a consulté des avocats spécialisés en droits d'auteurs. La réponse, contre toute attente, est que le business est fait de telle manière que nos achats s'apparentent plus à la location d'une licence à vie plutôt qu'à l'achat d'un produit. Céder nos téléchargements et nos archives achetées, une fois mort, pourrait violer les termes du contrat de sites comme Amazon ou iTunes.
Dans ce cas-là il devrait y avoir deux postures claires. Il paraît raisonnable de penser que si un individu a payé pour une collection de matériel numérique, quelle qu'elle soit, il puisse transmettre ses achats une fois mort. Pourtant il n'en est rien si on se fie aux termes des services des plate-formes d'achat en ligne.
L'étude a été réalisée sur deux des géants du marché, Apple et Amazon, avec comme axiome : peut-on transmettre nos téléchargements après la mort ?
La réponse n'aurait pas pu être plus ambiguë selon les experts consultés. Bien que nous vivions une explosion des achats numériques, les droits de transmission de propriété que nous avons payé demeurent dans un vide juridique qui ouvre la porte à la perte de nos achats une fois que nous décédons.
Aussi bien sur Amazon que iTunes, les droits de transmission des clients n'existent pas. Par exemple, si on achète une piste ou un thème numérique, ce que nous faisons réellement est d'acquérir une licence pour pouvoir reproduire ce morceau, dit autrement, il nous est concédé une piste individuelle afin que nous l'utilisions, mais qui n'est pas transmissible après notre mort.
La raison ne tient à rien d'autre qu'aux termes du contrat. Quand on dit que légalement nous louons les pistes cela signifie qu'elle ne nous appartiennent pas, nous ne les possédons pas. Ce que confirme Matthew Strain du cabinet d'avocats spécialisés Strain-Keville :
"Lorsque nous achetons quelque chose sur iTunes, ça ne nous appartient pas, nous n'avons que le droit de l'utiliser. Le droit sur le produit est très limité et le transmettre a quelqu'un d'autre ne sera probablement pas accepté par Apple ou Amazon."

Cela ne vaut pas seulement pour la musique, mais également pour les livres électroniques. La licence du fameux Kindle d'Amazon dit très explicitement interdire la transmission de ses livres électroniques téléchargés. Strain explique à ce sujet :
"Puisque le contraire n'est pas indiqué, il est impossible de sous-licencier ou céder les droits sur tout ou partie d'un contenu numérique à un tiers."

Que peuvent faire légalement les utilisateurs ? La réponse pourrait être de céder directement le dispositif physique qui contient le contenu numérique. Dans ce cas, le "nouvel" utilisateur serait confronté à un nouveau problème. Si on souhaite ouvrir un nouveau compte avec le dispositif dont nous avons hérité, on perdrait le contenu stocké antérieurement.
Le plus logique serait alors de fournir les mots de passe des comptes aux parents les plus proches afin qu'ils puissent accéder à iTunes ou Amazon. Ce serait le plus simple, mais, bien que cela puisse paraître ridicule, nous nous retrouverions une nouvel fois face aux termes d'utilisation des services, lesquels définissent cette activité comme une violation en matière de sécurité. Strain l'explique de la manière suivante :
"Permettre qu'un tiers accède aux détails de nos comptes représente une violation de la sécurité selon le contrat. Bien qu'il ne s'agisse par directement d'une violation des termes du contrat, Apple ou Amazon peuvent considérer que ça l'est et mettre fin à l'accès au compte."
  
Cette terminologie, que pourrait utiliser les entreprises en leur faveur s'appliquerait également aux services de stockage dans le nuage numérique. Si les données sont stockées de façon distante et accessible uniquement grâce à nos comptes, de la manière définie par les termes d'accès, la transmission de nos téléchargements achetés à des proches est rendu tout aussi compliqué par l'encadrement légal. 
Pour résumer, il est, à ce jour, extrêmement compliqué de céder nos achats en ligne après notre mort (de manière légale). Dans la majorité des cas parce que l'encadrement juridique semble nous indiquer clairement que lorsque nous achetons du matériel numérique, dans les faits, nous le louons individuellement jusqu'à la fin de notre vie, moment où il semble qu'il redevienne la propriété des plate-forme de vente. Si nous faisions une comparaison avec le monde physique, c'est comme si une fois mort, les magasins physique nous demandaient de rendre les achats que nous avons fait durant notre vie. Il existe de nombreuses manières "alternatives" pour transmettre nos téléchargements à ceux que nous aimons, mais légalement, il semble que le droit soit défavorable aux utilisateurs.


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