On a tous en mémoire
cette image du jeune chinois face au tank sur la place Tian'anmen. De
même que des photos du mur de Berlin ou du premier pas de l'humanité
sur la Lune. Mais aujourd'hui, le porte-voix a changé de sens. Il ne
porte plus la parole d'en haut vers le bas. L'Histoire ne reflète
plus l'éclat des puissants, elle conte la vie de la multitude. Le
mégaphone ne porte plus même la voix du bas vers le haut, mais
horizontalement. L'utilisation des réseaux sociaux comme outil de
mobilisation est un bon exemple de hack réussi. Dans sons sens
premier, le hack est le détournement de la fonction de l'objet qu'on
nous vend. Ni Facebook, ni Twitter n'ont été créés pour fomenter
les révolutions arabes, pour permettre aux indignés d'occuper le
haut du pavé ou pour faciliter l'organisation d'#Op anonymes.
Pourtant, le rôle des réseaux sociaux a été déterminant.
Le problème relève dès cet instant du droit d'auteur. C'est à dire qu'en nous vendant des objets, ils nous vendent un fonction, un concept. Car si on veut l'appareil qui fait ce qu'on fait faire à l'objet inapproprié, il existe et si par mésaventure il n'existait pas encore, les pourvoyeurs de nos désirs se feraient un plaisir de nous en pondre un. ACTA et toutes les lois similaires à travers le globe ne sont rien d'autre qu'une surveillance du Net pour que les grandes entreprises puissent s'assurer que nous utilisions les objets dans leur juste fonction et que nous ne n'utilisions pas les objets qu'ils nous vendent à des fins qui pourraient aller à l'encontre de leur économie moribonde. Dans le monde réel (semences, médicaments génériques...) aussi bien que dans le monde virtuel (criminalisation du partage de l'information...).
Le problème relève dès cet instant du droit d'auteur. C'est à dire qu'en nous vendant des objets, ils nous vendent un fonction, un concept. Car si on veut l'appareil qui fait ce qu'on fait faire à l'objet inapproprié, il existe et si par mésaventure il n'existait pas encore, les pourvoyeurs de nos désirs se feraient un plaisir de nous en pondre un. ACTA et toutes les lois similaires à travers le globe ne sont rien d'autre qu'une surveillance du Net pour que les grandes entreprises puissent s'assurer que nous utilisions les objets dans leur juste fonction et que nous ne n'utilisions pas les objets qu'ils nous vendent à des fins qui pourraient aller à l'encontre de leur économie moribonde. Dans le monde réel (semences, médicaments génériques...) aussi bien que dans le monde virtuel (criminalisation du partage de l'information...).
Jusqu'à présent le hack
consistait donc à détourner le concept, pas l'objet lui-même.
Maintenant imaginez un monde où les imprimantes 3D sont capables de
reproduire couche à couche un objet scanné. Dès aujourd'hui, The
Pirate Bay (*) a commencé à mettre à disposition les données
d'objets numérisés en 3D. Imaginez, à terme, la révolution que
cela peut représenter en terme d'auto-organisation de la production.
Imaginez comment réagiront les gouvernements et leurs lobbys si le
moyen de reproduire un objet du quotidien était à portée de la
main. Imaginez les problèmes de propriété intellectuel. C'est à
dire que l'un des levier de l'économie capitaliste peut tomber. Si
la satisfaction de nos besoin matériel peut s'autonomiser de
« l'offre » du patronat, en organisant pourquoi pas des
labos municipaux pour les besoins communs, un peu à la
manière des fours des villages du Moyen-Âge, des lieux où chacun
pourrait venir reproduire un objet. Adapter en temps réel l'offre à
la demande... et pas cette concurrence faussée par le fric. Un
échange, un potlach de l'ère numérique. La propriété c'est le
vol : propriété intellectuelle, propriété industrielle,
propriété des moyens de productions.
Ce ne sont plus seulement
les intermédiaires de l'industrie du divertissement – ciné,
musique – qui voient leur rôle remis en cause. Avec cet outil
formidable d'auto-organisation qu'est l'Internet, c'est une économie
qui peut naître. Une économie dans le sens noble du terme, c'est à
dire non pas le gaspillage dangereux de l'ère industrielle et de la
consommation de masse, l'ère de l'offre avec son flux constant de
publicité pour écouler leur came dans les veines de la société.
La consommation va tendre à ne plus être de masse, mais au
contraire individualisé, une ère de la demande. Ce changement de
paradigme de la consommation tient son pendant dans la production,
avec la possibilité de faire appel à la communauté pour travailler
sur un projet. A l'image du Chaos Computer Club de lancer
des satellites pirates pour accéder sans censure au réseau. A
l'image aussi de Pirate Bay qui en offrant à la communauté ses
scannes 3D espère bien stimuler la participation et développer le
concept. A l'image de Wikipedia. A l'image dont "vivent"
les logiciels libres, toujours améliorable par la communauté. A
l'image du CopyLeft ou des licences Creative Commons...
Pas facile de se
reconnaître dans toutes ses images. Parfois certaines facettes
semblent même incompatibles. Mais on en revient là, à cette
diversité foisonnante. Internet est une communauté, le fameux
village global. Ce village s'est construit autour du partage. Partage
des connaissances. Partage du divertissement. Les jeux en réseau
évidemment, le partage de fichiers. Partage de talent. Jetez un œil
ou deux sur des sites de photos. Le talent n'est pas l'apanage d'une
élite. L'exposition médiatique d'un travail donnait l'illusion de
la rareté. Mais quand on voit certaines photo "d'amateurs",
elle n'ont souvent rien à envier à celles de professionnels.
Internet révèle la multitude des talents. Ce qui ne signifie en
rien que par la magie du réseau chacun peut prétendre à posséder
tous les talent. Non, mais il permet l'exposition médiatique qui
jusqu'alors était aux mains d'une caste – ah tiens ça me rappelle
un certain Gutenberg. Encore un intermédiaire qui saute. Comme dans
les Amaps. Du producteur au consommateur. C'est tout le système
économique qui est à revoir. Passer à une économie de la
participation, en faisant l'économie des intermédiaires. Cette économie existe en petits îlots. Interconnectons les initiatives et une nouvelle économie pourrait apparaître.
Anonymous ne fait pas de politique partisane.
Ils défendent les droits sur Internet, ce qui permet la
cohabitation, le temps d'une TAZ sur le réseau. De la même
manière, le mouvement des indignés a mis en avant sa non
appartenance à la politique partisane. C'est un retour de boomerang
du monde virtuel. On ne cherche pas à se mettre d'accord ici et
maintenant sur les solutions qu'apportent socialistes ou libéraux.
Anonymous, comme les Occupy ou les internautes tunisiens remettent en
cause une fois de plus l'intermédiaire, cette fois dans la vie
politique : l'homme et la femme politique. Ou plutôt sa
définition. On réagit ensuite au besoins. En cela, cette révolution
pourrait être bien plus puissante qu'une révolution partisane. Elle
se rapproche de 1789. Elle n'est pas le fruit du passé, elle est la
graine du rhizome de demain. Cette révolution, ou peut-être
évolution, ne cherche pas à esquiver le débat, au contraire, elle
veut le créer dans des conditions démocratiques réelles. On change
le système d'exploitation, on passe en libre. On change d'échelle.
On se dirige vers une démocratie globale et décentralisée. Mais nos données personnelles sont préservées. Nous gardons nos opinions, nos
favoris. Simplement, n'attendez plus d'ordres d'un chef ni
l'obéissance des employés. Des anonymes qui apprennent à se
connaître. Loin de la politique politicienne. Mais des anonymes qui savent qu'ils
ne veulent pas qu'on touche à la liberté qu'offre internet. Ils ont
appris à cohabiter au-delà des apparences. Qui s'intéresse à la
couleur politique du gars, ou de la fille avec qui on butte des
aliens dans un jeu en réseau ? Qui s'intéresse à la couleur
politique du blogueur de Marmiton.org ? Quelle importance ont le
sexe ou les préférences sexuelles de celles et ceux avec qui on
participe à une attaque en déni de service ? Internet n'est
pas le monde. Il en est une extension. Ce territoire s'est construit
sur certaines bases : liberté d'expression, neutralité du
réseau, décentralisation et participation. Ajoutons comme règle, le respect de la diversité et de la
vie privée.
Si Internet est une
extension du monde, il n'en est pas déconnecté et les deux mondes
interagissent. Voilà peut-être une réponse à la morosité des
milieux militants ces dernières années. Une explication plausible à
l'abstention, au désintérêt apparent des jeunes pour la politique.
Ils redéfinissaient - à leur propre insu - La Politique. Ces gamins
bidouilleurs ne se forgent pas seulement une Histoire commune –
avec des figures et des évènements de portée mondiale – mais ils
se sont construit un présent commun. Un présent où la libre
association est la règle. Un présent débarrassé de frontières,
un monde où de chez soi on peut partager avec le monde entier. Un
lieux où il n'y a plus ni peuples ni dirigeants, mais une multitude
en interconnexion. Ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait pas de règle
ou de cultures. Forums, commentaires de bas d'articles, salon de chat
de jeux en réseau suivent des codes de bonnes conduites. Mais le
réseau est moins un continent virtuel qu'un archipel numérique. Un
monde, comme dirait les zapatistes, qui contienne tous les mondes.
La mutation d'Anonymous
pose en ce sens un problème éthique, comme on l'a vu avec l'attaque
du site de l'Expresse. Anonymous ne s'attaque pas à la presse et l'a
rappelé après que le site ait été mis hors service. Les valeurs
primordiales du vivre ensemble sur Internet doivent être transmises.
L'absence de hiérarchie n'est pas l'absence de règles communes.
Mais des règles discutées et acceptées, pas des lois édictées
par des intermédiaires plus ou moins démocratiques. Si on peut se
mettre d'accord là-dessus, on aura franchi un cap. Après, que le
débat démocratique de chaque communauté – virtuelles ou réelles
– ait lieu. Chacun défendra ses positions, mais au moins le débat
ne sera plus faussé. Le village possède les défauts de tous
villages. Tout le monde se connaît et il est bien difficile de
passer inaperçu lorsqu'on va acheter ses premières capotes dans la
pharmacie du village ou des longues OCB chez le buraliste où votre
Big Brother achète son quotidien préféré. Mais la "petitesse"
du village - Internet aboli la distance - facilite aussi les solidarités. Et si l'anonymat peut
être une réponse aux inconvénients, elle n'entrave en rien la
solidarité. L'anonymat n'est ici qu'un masque, tandis que pour nos
intermédiaires en sursis le masque est celui des apparences. Nous,
nous savons ce qui se cache derrière le masque de notre anonymat...
Si le cerveau est une interface entre l'être et l'avoir, c'est à
dire entre le monde intérieur et le monde extérieur, avec Internet,
ce monde immatériel, le cerveau est aussi devenu l'interface être /
savoir. Heureusement pour nous, ils ne nous vendent pas nos cerveaux,
il n'est pas encore interdit de détourner notre cerveau du droit
chemin, de la fonction que nos dirigeants nous aimeraient lui voir
attribuer... vendu à la pub. De cette bataille du net, par effet de
miroir entre les facettes de nos cerveaux, dépendront les
interconnexions entre l'être, l'avoir et le savoir... entre nos
mondes intimes, les mondes virtuels et le monde réel.
Les capitalistes ont fini
par confondre leurs images avec la réalité. Par confondre l'être
et l'avoir en oubliant le savoir. Leur masque de rigueur n'est plus que triste figure.
Bas les masques !
el portaplumas
* Le site Pirate Bay semble ne plus
être disponible, ou partiellement. Ses fondateurs ont été condamnés.
Suivez les infos sur twitter : #PirateBay
Pour revenir à du concret une vidéo de mobilisation des Anonymous pour des manifestations "physiques" samedi prochain, le 11 février. Cliquez ---> ici <--- pour la page "Face de book" de l'évènement. Et ici celle du site ---> là <---
Allez pour finir, vous l'avez certainement lu sur Le Monde, ou sur Numerama, mais c'est tellement bon de le dire: Anonymous a publié une vidéo de 17 minutes d'une visioconférence entre le FBI et Scotland Yard concernant les activités de groupes d'hacktivistes. Voilà c'est dit ;))
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