Voilà un conte de fée issu de la visite des zapatistes en Europe rebelle. Son auteur, Marcello Galbazzi est un enfant de quatre ans.
Comme il l'explique lui-même à la fin de son histoire, il ne sait ni lire ni écrire. C'est donc avec l'aide de sa grand-mère et de sa tante qu'est né ce conte, dont le style et le ton convient parfaitement à l'épopée zapatiste.
Ce conte doit beaucoup à la rencontre intercontinental et à ce voyage insensé initié par les zapatistes. Et pour Marcello, a certainement compté le Commando Palomitas, formé d'enfants zapatistes qui, elleux aussi, ont envahi le vieux continent.
Le conte en version originale et illustré est visible en PDF en suivant ce lien.
Traduction du SerpentⒶPlumes, à partir de l'article paru le 12 janvier sur le site desinformemonos.
IL ÉTAIT UNE FOIS
Ilustración: Alessandra “Supertramp” Testi |
Il était une fois un enfant avec des lunettes qui vivait en Italie, dans une petite ville de Llanura Padana (elle s’appelait ainsi parce que c’est très facile), l’une des zones les plus polluées d’Europe.
Cette pollution était en partie due au fait que les montagnes qui la bordaient bloquaient les vents qui auraient du emporter les mauvaises vapeurs, mais également au fait qu’il y avait trop de voitures, trop de maisons et de centres commerciaux. Bien trop de tout ce qui fait que l’air est malsain. Il y avait encore des parcs et des arbres dans cette ville, mais l’enfant aux lunettes rêvait de bien plus.
Ses lunettes bleues et vertes étaient magiques et lui permettaient de voir, parfois, des choses extraordinaires, mais tellement belles, comme cette nuit d’octobre lorsque le ciel se fit si noir et qu’en haut apparut une grande étoile rouge avec une grande corde pendant vers le bas, comme si c’était un grand ballon, mais vraiment énorme… et aussi, l’étoile parlait !!!
« Salut enfant aux lunettes, veux-tu venir avec moi visiter un lieu merveilleux et plein de bons amis et de bonnes amies ? Attrape la corde et allons-y. Je suis une étoile magique ! »
« Bien sûr ! - répondit l’enfant – Où m’emmènes-tu ? »
« Mmmmmh, ce sera une surprise, ta maman, ton papa et ta grand-mère connaissent déjà ce lieu merveilleux ! Dépêche-toi ! »
L’enfant saisi la corde qui pendait à l’étoile et s’envola, mais pendant qu’il se trouverait au-delà des nuages, grâce à ses lunettes magiques il pourrait encore voir la terre en-bas...
Survolant une partie
de l’Italie, puis l’Espagne et le Portugal, il vit que l’air
qui enveloppait ces terres était gris et avait mauvaise odeur. Puis
il arriva à l’Océan Atlantique, si bleu, lumineux et transparent
que l’enfant pouvait voir jusqu’aux poissons sous l’eau, les
grands, les petits, ceux de couleurs… Et puis vinrent d’autres
terres, avec de drôles d’arbres qu’il n’avait jamais vu
auparavant et des gens qui parlaient une langue différente et
tellement jolie.
« Nous sommes arrivés – dit l’étoile rouge – accroche-toi bien, parce que l’atterrissage va être un peu compliqué ».
Et il en fut effectivement ainsi, il fallut faire un slalom entre les arbres très hauts appelés Ceibas, qui sont très vieux et sages, puisque les arbres aussi savaient parler. Sur leurs branches il y avait toute sorte d’animaux, d’insectes, de papillons aux milles couleurs, il y avait même un scarabée très étrange, vêtu d’une armure médiévale : il s’appelait Don Durito de la Lacandona, et lui aussi était en train d’écrire un conte sur une feuille tout en fumant sa pipe.
Et ainsi que l’avait dit l’étoile, l’atterrissage ne fut pas des meilleurs. L’enfant aux lunettes tomba sur un escargot qui s’appelait Escargot.
Escargot étendit son visage curieux et dit : « Comme tu es étrange, enfant aux lunettes, et la façon dont tu parles… Tu dis des mots qui ne sont pas dans mon vocabulaire, mais que j’ai déjà entendu lorsque avec un bateau un peu délabré appelé La Montagne j’ai été faire un tour, oups, une tournée, en Europe ».
« Et bien voilà, nous nous sommes rencontrés !!! Dis-moi, s’il te plaît, quel est ce lieu si beau, empli de couleurs et avec une si bonne odeur dans l’air ».
« C’est la terre des Zapatistes, elle s’appelle Chiapas, un lieu que nous voulons préservé, tel que tu le vois en ce moment-même, plein d’animaux, d’insectes et de vie. Pour nous la terre est une maman qui donne amour, bonheur et alimentation à ses fils et ses filles, que nous sommes. Une maman qui nous enseigne que tous méritent de trouver leur place, de s’aimer, et que chacun, selon ses capacités, doit respecter les autres ainsi que sa terre mère ».
« C’est magnifique ! Là où je vis ce n’est pas comme ça, il y a beaucoup de gens qui exploitent la terre, notre maman, comme tu dis, et ce faisant la rendent malade, car ils utilisent des poisons pour que les légumes, le blé et le maïs grandissent plus vite. D’autres ne lui permettent pas de respirer et l’étouffent sous des maisons et des gratte-ciel. Mais tous ne sont pas mauvais, bien qu’ils ne soient pas nombreux, il y a des gens qui aiment beaucoup la maman-terre ».
« Ici aussi c’est comme ça – répondit Escargot – il y a de mauvaises personnes qui viennent avec des soldats pour voler à notre maman-terre l’eau et les minéraux et transformer les terres qui nous donnent de quoi manger en prés pour leurs vaches. Ils nous jettent de nos maisons et nous obligent à monter dans les montagnes, là où il n’y a que des pierres et beaucoup de froid. Il y en a d’autres, des mauvais, qui veulent construire des centrales, des chemins de fer et des usines sur notre terre. Nous, nous ne voulons pas, c’est pour ça que nous nous sommes réunis au sein de l’EZLN (l’Armée Zapatiste de Libération nationale).
« N’aie pas peur. Oui nous sommes une armée, mais nos armes sont les mots, nos initiatives et la manière que nous avons de nous organiser. Nous voulons créer une meilleure manière de vivre… je vais essayer de t’expliquer ça : Il y a plus de 500 ans d’autres mauvaises personnes, qui étaient européens comme toi, envahirent nos terres et firent de nous leurs esclaves. Ils nous maltraitaient, nous devions travailler pour eux pendant qu’ils nous frappaient et nous humiliaient. Personne ne prenait soin de nous et nous ne pouvions pas aller à l’école. C’était l’enfer. Alors, nous nous sommes réunis et avons dit ASSEZ ! Nous parlions beaucoup entre nous de ce qu’il était possible de faire et beaucoup de temps a passé. Nous avons finalement trouvé un accord et tous ensemble nous avons construit nos écoles et nos hôpitaux. Nous avons décider de cultiver ensemble la terre-mère et cela nous a rendu heureux ».
« C’est merveilleux, Escargot, moi aussi je veux vivre comme ça ! Tu sais ce que je vais faire ? Je vais rester ici ».
L’enfant aux lunettes grimpa sur le dos d’Escargot et alla (très lentement, parce que comme disent les zapatistes, les escargots, bien que lentement, avancent) voir de ses propres yeux ce que signifiait vivre ensemble, être, comme disent les anciens, une communauté, et ce qu’il vit était tellement beau.
Dans la communauté il y avait beaucoup de mamans et de papas, de grand-pères et de grand-mères. Ils se levaient tôt pour aller travailler au champ et pendant qu’ils récoltaient le maïs, leurs enfants allaient à l’école, pas dans les écoles du mauvais gouvernement, mais dans celles qu’avaient imaginées et construites leurs parents. Leurs maîtres étaient des enfants plus grands et plus grandes, il n’y avait pas de notes, de devoirs ni de diplômes. L’école autonome apprenait à penser et à vivre.
Les parents, cependant, allaient ensemble avec toute la communauté travailler le champ et pendant qu’ils récoltaient le maïs, les haricots et le café, ils parlaient et s’aidaient, heureux parce qu’en étant ensemble le temps passait bien que le travail fut pénible.
Au retour ils se réunissaient pour le dîner et pour passer plus de temps ensemble : Les enfants pour jouer et les adultes pour bavarder.
Il arrivait souvent que tous, enfants inclus, se réunissent en assemblée pour décider de tout ce qui avait trait à la communauté, tous disaient ce qu’ils pensaient et ensuite ils décidaient ensemble.
La voix des enfants était aussi écoutée, mais surtout celle des grand-pères et grand-mères, qui sont les plus sages.
Les communautés vivaient en petits villages au milieu de la jungle, près de leurs champs qu’ils appellent milpa. Tout autour il y avait des arbres, des fleurs, des oiseaux colorés qui ne se voient en Europe que dans les documentaires, des fleuves et des cascades où on peut nager et jouer.
« C’est tellement bien d’être ici » - disait l’enfant qui à travers ses lunettes magiques pouvait aussi voir le cœur joyeux de tous ses amis.
« Malheureusement – répondit Escargot – l’heure du retour approche ! Si tu nous aimes vraiment, tu dois retourner dans ta maison et raconter à tous ce que tu as vu ici, pour que tes amis et amies sachent qu’existe une autre manière de vivre, meilleure, plus juste et plus joyeuse. Reviens quand tu le voudras, notre maison sera toujours ta maison ! Et lorsque tu seras sur ta terre, souviens-toi de l’étoile rouge dans l’obscurité de la nuit, c’est notre bannière !
L’enfant aux lunettes, un peu à contre-cœur, retourna avec sa maman et son papa en attrapant une nouvelle fois l’étoile rouge, pendant qu’Escargot, depuis l’ombre d’un ceiba, le saluait et lui envoyait un baiser en agitant le drapeau de l’EZLN.
PS : Bien que j’ai quatre ans et que je porte des lunettes qui me servent à voir de près et de loin, très loin, souvenez-vous que mon histoire, comme toutes les histoires zapatistes, enseigne quelque chose !
PS2 : Comme je ne sais ni écrire ni lire, j’ai raconté cette histoire à ma grand-mère pour qu’elle, elle l’écrive, mais les dessins c’est moi qui les ai fait.
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