"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

01/12/2009

Comme un chien dans un jeu de puces


"Bienvenus au 1er Grandeur-Nature augmenté de la MAD" scandait la banderole accrochée à l'entrée de l'aérodrome désaffecté. Une centaine de joueurs et joueuses se pressait devant la cuisine que No Pasaran avait prêtée à la MAD. Prix libre et repas végétariens. L'équipe de cuistots avait négocié l'approvisionnement avec des producteurs bio de la région.

La TAZ ludique avait pris ces hangars rouillés et leurs pistes, depuis lesquels on voyait les champs, mille vaches et, plus loin, de petites maisons basses dont les cheminées fumaient tranquillement.
Mateo, l'un des Maîtres du Jeu, l'œil vif et la barbe en bataille, monta sur une table et prit la parole. "Comme dans un jeu de rôle classique vous vous déguiserez, mais cette fois vous évoluerez dans un univers à la croisée de la réalité, de l'imaginaire... et de la virtualité. Grâce aux neuroships que nous portons toutes et tous, aux lentilles, aux oreillettes et aux combinaisons d’immersion, nous allons augmenter la réalité brute d’éléments virtuels du scénario."

Depuis leur QG les maîtres du jeu mêleraient mondes réel et e-réel afin de créer l'illusion dans laquelle évolueraient les joueureuses. Quelques lecteurs de puces retapés et autant de caméras de récup', un serveur central, une bonne vingtaine de PC et de consoles permettaient ce mix' ludique. Une version entièrement virtuelle du jeu était disponible en ligne, permettant de jouer depuis le monde entier. Les moyens mis en œuvre étaient ceux d’un film indépendant et la MAD, pour s'autofinancer, vendrait la vidéo du week-end: Zombis party.

L'ambiance musicale du collectif 0101, une bande de teufeurs militants, emplissait l'air de ses rythmiques binaires lorsque les premières images s'incrustèrent sur les lentilles d'Ash : l'aérodrome se changea en base militaire. Ash faisait partie d'un groupe de survivants prêts à tout pour prendre l'hélicoptère endormi sous ses pâles, quelque part sur la carte du jeu. Elle fuyait, coincée entre une bande de zombis affamés et une armée de décérébrés. Sa puce dernier cri permettait de la localiser, elle et son avatar, dans les limites de l'aire de jeu.

Le dimanche en fin d'après-midi, une famille du village vint se promener un peu trop près du vieil aérodrome. Leurs implants se prirent dans la toile du jeu et incrustèrent sur les lentilles de la famille l'hélicoptère qui décollait et une masse de zombis levant les bras au ciel. Ash, accrochée au patin gauche, arrosait de rafales les morts-vivants, à un rythme hard-gore. Le père, la mère et leurs deux enfants, incapables de crier, prirent leurs jambes à leurs cous noués, sous l'œil étonné de leur setter irlandais.


nouvelle écrite pour le dossier Nouvelles TIC de la revue du réseau No Pasaran

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