"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

30/06/2008

Cartes mexicaines - Poly octobre 2007

Chère tante Poly,
Ce mois-ci c’est ton anniversaire. J’ai senti un peu de nostalgie à farfouiller dans le cahier où j’ai gardé les textes qu’on s’écrivait. Je les ai relu presque tous. Et puis la digue des souvenirs a cédé…
Tu te souviens de notre premier rendez-vous ? Début 99. Je voulais faire bonne impression et j’avais passé un pantalon repassé, une chemise blanche et une cravate dont je ne défaisais jamais le nœud. C’est sûr que je dénotais parmi les membres de ta famille. J’ai bien vite remiser au oubliettes le costume-pingouin-entretien-d’embauche pour une tenue plus décontractée.
Je me souviens de l’une de mes premières interviews en arts plastiques. Moi j’avais appris les sciences à l’école et l’art, même figuratif, me semblait abstrait. L’artiste avait reproduit, en polystyrène, un urinoir en hommage à Duchamp… En rentrant chez toi tante Poly, j’ai du chercher dans un dictionnaire d’art comment s’écrivait Duchamp et qui il pouvait bien être. Et pourquoi un urinoir ? Mais c’était ta manière à toi de me faire apprendre. Moi je ne voulais pas te décevoir. Je me sentais parfois bien petit face à toi ou à mes nouveaux camarades. Mais tu me rassurais. Tu me disais que ce n’était pas grave de ne pas connaître Duchamp. Parce que l’art ce n’est pas juste une histoire de fond mais de formes aussi… Tu me disais qu’avec mon regard neuf je pouvais voir des choses que des spécialistes, en terrain trop connu, ne remarqueraient plus.
Tu m’as fait écrire sur des sujets pour lesquels je ne me serais jamais cru capable de dire quoi que ce soit. Avec tous les devoirs que tu me donnais, j’ai parfois eu la tête bien embrumée. Surtout quand on potassait nos leçons en retard. On en a passé des soirs et des week-ends à essayer de mettre du plaisir dans ce qu’on faisait… tout en essayant de rendre les devoirs du mois dans les temps ! Tu m’as appris à être polyvalent… danse, théâtre, musique… Photo ! Je me souviendrais toujours d’un grand monsieur que tu m’as fait rencontré. Patrick Bailly-Maitre-Grand. Un homme dont la grandeur est à la hauteur de son humilité et son humanité encore plus vaste que son art. Il y a tous les autres, toutes ces personnalités que j’ai souvent pris du plaisir à rencontrer. Et tous les copains : graphistes, rédacteurs, photographes, illustrateurs… Une sacrée équipe de gnoufs. C’est comme ça qu’on s’appelait entre nous.
Avec toi, j’ai compris que ce n’est pas tant une culture qui est universelle que le fait culturel. Ça aide à garder l’esprit ouvert. Bon tante Poly, je dois te laisser, sinon tu va me dire que je dépasse le nombre de signes autorisés. Je continuerais à t’écrire… Tu sais c’est l’Amérique ici, pas celle de Tom Sawyer, mais l’Amérique quand même, avec même des indiens qui dansent au soleil. Joyeux anniversaire
Stef

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