"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

23/05/2021

Colombie: les mamans en première ligne

trad' de l'article de Juan Miguel Hernandez Bonilla, paru sur le site de El Pais, titré: “Mamás primera línea”: las colombianas que enfrentan a la policía para salvar manifestantes. À retrouver ici.

 

Quelques membres du groupe de mamans de la première ligne du Portal de las Americas, au sud de Bogota. - Photo: Camilo Rozo

 « Mamans première ligne » : les colombiennes qui affrontent la police pour sauver les manifestants

Un groupe de femmes mère célibataire à Bogota a décidé de s’organiser afin de protéger les jeunes face à la répression policière pendant les manifestations contre le gouvernement

Vanessa a 39 ans et est danseuse professionnelle de tango. Elle a trois enfants. Chaque nuit, avec d’autres mères du quartier de Bogota où elle vit, elle sort défendre les manifestants contre la répression de la police. Cette garde prétorienne improvisée a inscrit le nom de son bataillon sur les boucliers qu’elles emportent pour se défendre des gaz lacrymogènes et des coups des anti-émeutes : « Mamans première ligne ».

Les mères se sont connues et sont devenues amies durant les premiers jours de la mobilisation sociale contre le gouvernement de Ivan Duque il y a trois semaines. « Cela faisait plusieurs nuits qu’on voyait avec peur et angoisse comment la police attaquait nos jeunes qui sortaient manifester pour leurs droits », raconte Vanessa tout en couvrant une partie de son visage d’un bandana noir. Et elle continue : « Nous sommes arrivées à la conclusion que si nous voulions faire un travail social, nous devions le faire bien : en première ligne, opposant le corps pour défendre les manifestants ».

Le lendemain de la création du groupe, les mamans recherchèrent dans les poubelles du quartier Keneddy, au sud de la capitale, des morceaux de bois et autres matériaux résistants qui leur servirait pour se défendre durant les affrontements avec la police. Elles ne trouvèrent pas grand-chose. Elles se mirent d’accord pour casser les tirelires avec le peu d’économies qui leur restait et envoyer faire les boucliers noirs qui dorénavant les protègent et les identifient. Quelques étudiants de l’université leur ont offert les lunettes de protection pour les yeux.

« Nous exigeons le minimum : droit au travail, à l’éducation, à la santé, à un toit, un revenu basique pour nourrir notre famille », explique Johana, une femme de 36 ans qui, ces jours-ci, a du laisser à leur grand-mère ses deux jeunes fils pendant qu’elle sort protéger les manifestants.

 

Quelques mamans de première ligne devant le mural en leur honneur. - Photo: Camilo Rozo

 Elle, et les autres mamans, ne sont qu’un petit échantillon des 21 millions de personnes, 42 % de la population totale en Colombie, qui est actuellement pauvre et survit avec moins de 70€ par mois. En plus d’être sans emploi, toutes les mamans de première ligne sont responsable de foyer, mères célibataires ayant du éduquer seules leurs enfants. « Les papas ne répondent presque jamais, n’apparaissent pas, ne donnent pas d’argent, et donc nous devons sortir gagner l’argent quotidien pour tenir la maison », explique Johana.

Les mères comptent maintenant de nombreux affrontement avec la police, qui a également été cible d’attaques. « Nous savons qu’à n’importe quel moment on peut perdre la vie », dit Johana. Leurs peurs ne sont pas infondées. Depuis les 21 jours que compte la grève en Colombie, la police est responsable de la mort d’au moins 14 personnes, selon le dernier rapport de Human Right Watch.

Eileen, l’aînée des mamans, dernière arrivée dans le groupe, avait peur. « J’y ai beaucoup pensé à tête reposée, mais c’est le minimum que je puisse faire pour soutenir les jeunes qui luttent pour nos droits », explique-t-elle, et c’est ainsi qu’elle s’est jointe à elles.

Carlos joue dans les divisions mineures d’une équipe de la capitale. Il s’est converti en leader de la première ligne de défense du Portal Americas, la zone où opèrent les mamans. Il commande un groupe de jeunes hommes du quartier qui toutes les nuits depuis qu’ont commencé les protestations tente de protéger les manifestants des bombes à projectiles électrifiés, les balles de caoutchouc et les jets d’eau que lance la police. « Pour nous, elles sont un soutien important », dit Carlos, qui tout comme les autres interviewées préfère ne pas dire son nom.

Depuis que les mamans sont en première ligne certains policiers y pensent à deux fois avant de les réprimer. « Au final, on a tous une maman », ont dit certains agents en les voyant pour la première fois. Daniela, une jeune fille chargée des communications de l’espace communautaire qui s’est créé là où résistent les jeunes et les mamans, explique que ce qui est en train de se passer est un changement profond dans l’image que la société civile se fait des manifestants. « C’est beau que les mamans se soit jointes à la résistance car elles renversent cette idée que les personnes qui sont dans les premières lignes des manifs sont des vandales ».

Elles insistent sur le fait que leur fonction est de protéger la vie. « Je crois qu’un bus qui brûle, les vitrines brisées d’un magasin, ou les murs peints ne sont en rien comparable à la vie d’un être humain, qu’il soit policier ou manifestant. La vie n’a pas de prix », disent-elles ensemble. Leur règle principale est de ne jamais se séparer : « Si ils en attaquent une, ils nous attaquent toutes ».

18/04/2021

L'escadron 421

Traduction du Serpent@Plumes du communiqué de l'EZLN paru sur le site de liaison zapatiste le 17 avril 2021. À retrouver ici.


ESCADRON 421.

(La délégation maritime zapatiste).

 

Avril 2021.

Le calendrier ? Un matin du quatrième mois. La géographie ? Les montagnes du sud-est mexicain. Un silence soudain s’impose aux grillons, à l’aboiement distrait et lointain des chiens, à l’écho d’une musique de marimba. Ici, dans les entrailles des collines, un murmure plus qu’un ronflement. Si nous n’étions pas où nous sommes, on aurait pu penser que c’était la rumeur de la pleine mer. Pas les vagues se brisant sur la côte, la plage, la falaise délimité par une entaille capricieuse. Non, quelque chose de plus. Et puis… une longue plainte et un tremblement intempestif, bref.

La montagne se lève. Elle retrousse, avec pudeur, un peu ses jupons. Non sans efforts, elle arrache ses pieds à la terre. Elle fait le premier pas dans un geste de douleur. Les plantes de cette petite montagne, bien loin des cartes, des circuits touristiques et des catastrophes, saignent maintenant. Mais ici tout est complicité, ainsi une pluie anachronique lui lave les pieds et, avec la boue, lui soigne ses blessures.

« Prends soin de toi, ma fille », lui dit la Ceiba mère. « Courage », énonce le huapác comme pour lui-même. L’Ibijau jamaïcain la guide. « Vers l’est, amie, vers l’est », dit-il tout en bondissant d’un côté à l’autre.

Vêtue d’arbres, d’oiseaux et de pierres, chemine la montagne. Et sur son passage, s’accrochent aux bords de son jupon, qui des hommes, qui des femmes, qui n’est ni les unes ni les autres, des filles et des garçons somnolents. Illes grimpent sur son chemisier, escaladent la cime de ses seins, suivent ses épaules et, là au sommet de sa chevelure, s’éveillent.

À l’est le soleil, ayant à peine point à l’horizon, retient un peu son idiote et quotidienne ronde. Il lui a semble voir que marche, avec une couronne d’êtres humains, une montagne. Mais au-delà du soleil et de quelques nuages gris oubliés par la nuit, personne ici ne semble s’étonner.

« C’est bien ce qui était écrit », dit le Vieil Antonio pendant qu’il affûte la machette à double tranchant, et la Doña Juanita acquiesce d’un soupir. Dans le fourneau ça sent le café et la maïs cuit. À la radio communautaire passe une cumbia. Les paroles parlent d’une légende impossible : une montagne naviguant à rebrousse-poil de l’histoire.

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Sept personnes, sept zapatistes, forment la fraction maritime de la délégation qui visitera l’Europe. Quatre sont des femmes, deux sont des hommes et unE est autre. 4, 2, 1. L’escadron 421 se trouve actuellement cantonné au dit « Centre de Formation Maritimo-Terrestre Zapatiste », situé dans la Pépinière Commandante Ramona de la zone Tzotz Choj.

Ça n’a pas été facile. Et même, ce fut tortueux. Pour parvenir à ce calendrier, il nous a fallu affronter objections, conseils, découragements, appels à la mesure et à la prudence, francs sabotages, mensonges, grossièretés, décomptes détaillés des difficultés, ragots et insolences, et une phrase répétée jusqu’à l’écœurement : « ce que vous voulez faire est très difficile, pour ne pas dire impossible. » Et, bien sûr, en nous disant, nous ordonnant, ce que nous devons faire et ne pas faire. Tout cela, de ce côté et de l’autre de l’océan.

Évidemment, tout cela sans parler des obstacles du suprême gouvernement et de sa bureaucratie ignorante, idiote et raciste.

Mais de tout ça je vous parlerai à une autre occasion. Là je dois vous parler un peu de notre resplendissante délégation zapatiste maritime.

Les 4 femmes, les deux hommes et lela autre sont des êtres humains. On leur a fait passer le Test de Turing, avec quelques modifications que j’ai considéré pertinentes, afin d’écarté que l’unE d’entre-elleux, ou toustEs soit un organisme cybernétique, un robot quoi, capable de danser la cumbia du Sapito trompant le pas. Ergo, les 7 appartiennent à la race humaine.

Les 7 sont nées sur le continent qu’ils appellent « Amérique », et le fait qu’illes partagent douleurs et rages avec d’autres peuples originaires de ce côté-ci de l’océan, fait d’elleux des Latino-américains. Illes sont, également, mexicainEs de naissance, descendantEs des peuples originaires mayas, selon ce qu’on a constaté auprès de leurs familles, leurs voisins et connaissances. Illes sont aussi zapatistes, avec les papiers des municipalités autonomes et des Conseils de Bon Gouvernement qui en attestent. Illes ne portent aucun délit prouvé et qui n’aurait pas été sanctionné en son temps. Illes vivent, travaillent, tombent malades, se soignent, aiment, se quittent, rient, pleurent, se souviennent, oublient, jouent, sont sérieuxes, prennent des notes, cherchent prétexte, en somme, illes vivent dans les montagnes du Sud-est mexicain, au Chiapas, Mexique, Amérique Latine, Planète Terre, etc.

Les 7, en plus, se sont proposéEs comme volontaires pour faire la traversée par la mer – chose qui n’a pas provoqué beaucoup d’enthousiasme dans la grande variété de zapatistes de tous âges -. Ou plutôt, pour mettre les choses au clair, personne ne voulait voyager en bateau. À quel point a contribué à cela la campagne de terreur déchaînée par Esperanza et toute la bande de Défense Zapatiste, synthétisé dans le célèbre algorithme de « toustes vont mourir misérablement » ? Je n’en sais rien. Mais le fait d’avoir battu les réseaux sociaux, whatsapp inclus, sans aucun avantage technologique (allez, sans même in signal rural de portable), m’a motivé à mettre mon petit grain de sable de plage.

C’est ainsi que mû par ma sympathie pour la bande de Défense Zapatiste, j’ai demandé la permission au SubMoy de parler à la délégation qui, entre cris, hurlements et rires d’enfants, se préparait pour l’invasion qui n’est pas une invasion… enfin, si ça l’est, mais c’est quelque chose de, disons, unanime. Quelque chose comme un internationalisme sado-masochiste qui, évidemment, ne sera pas bien vu par l’orthodoxie faite avant-garde, laquelle, comme il se doit, est tellement devant les masses, qu’on n’arrive plus à la voir.

Je me présentais à l’assemblée et, prenant ma plus belle figure de tragédie, je leur racontais des choses horribles de haute-mer : les « vomitos » interminables ; la vaste monotonie de l’horizon ; l’alimentation pauvre en maïs, sans pop-corn et – horreu ! - sans sauce Valentina ; l’enfermement avec d’autres personnes pour plusieurs semaines – avec qui, les premières heures, tu échanges des sourires et des attentions, et peu après des regards qui tuent - ; j’ai aussi décris, avec luxe de détails, des tempêtes terribles et des menaces inconnues ; je me suis référé au Kraken et, par une de ces manies littéraires, je leur parlais d’une gigantesque baleine blanche qui cherchait, furieuse, à qui arracher la jambe, ce qui privera la victime de tout rôle décent pour la cumbia la plus lente. Ce fut inutile. Et je dois vous confesser, non sans mon orgueil de genre mal blessé, que ce sont des femmes qui dirent : « en bateau », lorsqu’on leur a présenté l’option de voyage par mer ou par air.

C’est ainsi que se sont inscrites pas 7, pas 10, pas 15, mais plus de 20. Même la petite Veronica, de 3 ans, s’est inscrite quand elle a entendu l’histoire de la baleine assassine. Oui, incompréhensible. Mais maintenant qu’illes la connaisse (la fillette, pas la baleine), illes compatiront. Je veux dire, illes compatiront avec Moby Dick.

Alors, pourquoi seulement 7 ? Eh bien, je pourrai vous parler des 7 points cardinaux (devant, derrière, un côté, l’autre côté, le centre, le bas et le haut), des 7 premiers, ceux qui mirent le monde au jour, et ainsi de suite. Mais la vérité c’est que, loin des symboles et des allégories, le nombre se doit à ce que la majorité n’a pas encore eu son passeport, et bataille toujours pour l’obtenir. Je vous parlerai de ça plus tard.

Bien, mais je suis sûr que vous, ces problèmes ne vous intéressent pas. Vous, ce que vous voulez c’est savoir qui va naviguer sur « La Montagne », traverser l’Océan Atlantique, et envahir… argh, je voulais dire, visiter l’Europe. Et donc je mets ici leurs photos et un bref portrait :

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Lupita. 19 ans. Mexicaine de naissance. Tzotzil des Altos du Chiapas. Elle parle sa langue maternelle, le tzotzil, et le castillan avec fluidité. Elle sait lire et écrire. Elle a été coordinatrice locale des jeunes, coordinatrice régionale des jeunes, et administratrice locale du travail collectif. Musique qu’elle aime : pop, romantiques, cumbias, balades, électronique, rap, hip hop, musique andine, musique chinoise, révolutionnaires, classiques, rock des années 80 (c’est comme ça qu’ils ont dit), mariachis, musique traditionnelle de son peuple… et le regueton (note de la rédaction : si ce n’est pas « un monde où tiennent beaucoup de mondes », je ne sais pas ce que c’est. Fin de la note). Couleurs préférées : noir, rouge, cerise et café. Expérience maritime : quand petite elle a voyagé en canot. Elle s’est préparée pendant 6 mois pour devenir déléguée. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe. Elle aura la fonction de Tierce Compa lors de la traversée par mer.

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Carolina. 26 ans. Mexicaine de naissance. D’origine Tzotzil des Altos du Chiapas, maintenant Tzeltal de la forêt Lancandona. Elle parle sa langue maternelle, le tzotzil, en plus du tzeltal et le castillan avec fluidité. Elle sait lire et écrire. Mère célibataire d’une fille de 6 ans. Sa mère l’aide à prendre soin de sa fille. Elle a été coordinatrice de « comme femmes que nous sommes » et élève de formation vétérinaire. Elle est actuellement Commandante à la direction politico-organisationnelle zapatiste. Musique qu’elle aime : pop, romantique, cumbias, rock des années 80 (c’est comme ça qu’ils ont dit), de groupe et révolutionnaires. Couleurs préférées : crème, noir et cerise. Expérience maritime : canot quelque fois. Elle s’est préparée pendant 6 mois pour devenir déléguée. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe.

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Ximena. 25 ans. Mexicaine de naissance. Cho’ol du nord du Chiapas. Elle parle sa langue maternelle, le cho’ol, et le castillan avec fluidité. Elle sait lire et écrire. Mère célibataire d’une fille de 6 ans. Sa mère la soutien en prenant soin de sa fille. Elle a été coordinatrice de jeunes et actuellement elle est Commandante à la direction politico-organisationnelle zapatiste. Musique qu’elle aime : cumbias, tropicales, romantiques, révolutionnaires, rock des années 80 (c’est comme ça qu’ils ont dit), électronique et ranchera (musique popularisée par les gouvernements issus de la révolution dans les années 30, ndt). Couleurs préférées : violet, noir et rouge. Expérience maritime : quelque fois en canot. Elle s’est préparée pendant 6 mois pour devenir déléguée. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe. Commandante en second de la délégation maritime, après Dario.

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Yuli. 37 ans. Elle fêtera ses 38 ans en pleine mer. D’origine Tojolabal de la Forêt frontalière, désormais Tzeltal de la forêt Lacandona. Elle parle le castillan avec fluidité. Elle sait lire et écrire. Mère de deux enfants : une fille de 12 ans et un garçon de 6 ans. Son compagnon la soutien en s’occupant des enfants. Son compagnon est tzeltal, c’est pour ça qu’ils s’aiment, se disputent et recommencent à s’aimer en castillan. Elle a été promotrice d’éducation, formatrice d’éducation (qui préparent les promoteurices d’éducation) et coordinatrice de collectif local. Musique qu’elle aime : romantiques, de groupe, cumbia, vallenato (musique colombienne, ndt), révolutionnaires, tropicale, pop, marimba, ranchera et rock des années 80 (c’est comme ça qu’ils ont dit). Couleurs préférées : noir, café et rouge. Expérience maritime nulle. Elle s’est préparée pendant 6 mois pour devenir déléguée. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe.

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Bernal. 57 ans. Tojolabal de la zone de la forêt frontalière. Il parle sa langue maternelle, le tojolabal, et le castillan avec fluidité. Il sait lire et écrire. Père de 11 enfants : le plus grand a 30 ans et la plus petite en a 6. Sa famille le soutien en s’occupant des petits. Il a été milicien, responsable local, maître de la petite école zapatiste et membre du Conseil de Bon Gouvernement. Musique qu’il aime : rancheras, cumbias, musique huichole, marimba et révolutionnaires. Couleurs préférées : bleu, noir, gris et café. Expérience maritime : pirogue et canot. Il s’est préparé pendant 6 mois pour devenir délégué. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe.

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Dario. 47 ans. Cho’ol du nord du Chiapas. Il parle sa langue maternelle, cho’ol, et le castillan avec fluidité. Il sait lire et écrire. Père de 3 enfants : un de 22 ans, un autre de 9 ans et la plus petite de 3 ans. Le petit et la petite iront avec leur mère en Europe par la voie aérienne en juillet. Il a été milicien, responsable local, responsable régional et, actuellement, il est Commandant à la direction politico-organisationnelle zapatiste. Musique qu’il aime : rancheras de Bertin et Lalo, tropicales, marimba, musique régionale et révolutionnaires. Couleurs préférées : noir et gris. Expérience maritime : pirogue. Il s’est préparé pendant 6 mois pour devenir délégué. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe. Il sera le coordinateur de la délégation zapatiste maritime.

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Marijose. 39 ans. Tojolabal de la zone de la forêt frontalière. Ille parle le castillan avec fluidité. Ille sait lire et écrire. Ille a été milicienNE, promotreurICE de santé, promoteurICE d’éducation, et formateurICE d’éducation. Musique qu’ille aime : cumbias, romantiques, rancheras, pop, électronique, rock des années 80 (c’est comme ça qu’ils ont dit), marimba et révolutionnaires. Couleurs préférées : noir, bleu et rouge. Expérience maritime : pirogue et canot. Ille s’est préparéE pendant 6 mois pour devenir déléguéE. Volontaire pour voyager en bateau vers l’Europe. Ille a été désignéE comme lela premièrE zapatiste à débarquer et, avec ille, commencera l’invasion… ok, la visite de l’Europe.

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Ainsi donc la première plante qui se posera sur le sol européen (bien sûr, si on nous laisse débarquer) ne sera pas celle d’un homme, pas plus que d’une femme. Elle sera d’unE autre.

Dans ce que le défunt SupMarcos aurait qualifié de « gifle avec une chaussette noire pour toute la gauche hétéropatriarcale », il a été décidé que ce sera Marijose qui débarquera en premier.

Dès qu’ille posera ses deux pieds sur le territoire européen et se sera remisE du mal de mer, Marijose criera :

« Rendez-vous visages pâles hétéro-patriarcaux qui harcelez la différence ! »

Nan, c’est une blague. Mais, quoi, ce ne serait pas bien qu’ille dise ça ?

Non, en foulant la terre, lela compa zapatiste, Marijose, dira, d’une voix solennelle :

« Au nom des femmes, des hommes, des ancien.ne.s et, bien sûr, des autres zapatistes, je déclare que le nom de cette terre, celle que ses natifs appellent aujourd’hui « Europe », dorénavant sera : SLUMIL K´AJXEMK´OP, ce qui veut dire « Terre Rebelle », ou « Terre qui ne se résigne pas, qui ne faiblit pas ». Et c’est ainsi qu’elle sera connue des siens et des inconnus tant qu’il y aura ici quelqu’un qui ne se rend pas, qui ne se vend pas et qui ne flanche pas ».

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J’atteste.

Supgaleano.

Avril 2021.


(À suivre...)

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

01/03/2021

Quel antifascisme?

 Je republie ici le texte que j'avais publié lorsque j'avais rejoins la plateforme de blog "antifa-net", qui depuis n'existe plus... toutefois la définition de l'antifascisme que je porte me semble toujours d'actualité.

Je choisi de ne pas retravailler le texte, vous excuserez donc les quelques références datées (UMP, etc).

Bonne lecture

 







 

 

Pourquoi je rejoins antifa-net

Dans Une journée particulière, le film d'Ettore Scola, Mastroianni, poursuivi jusque dans son sixième par les gros bras mussoliniens, s'écrie judicieusement à l'adresse du spadassin qui l'accuse d'anti-fascisme : "Vous vous méprenez, monsieur : ce n'est pas le locataire du sixième qui est anti-fasciste, c'est le fascisme qui est anti-locataire du sixième."
Extrait du réquisitoire de Desproges contre Jean-Marie Le Pen, 28 septembre 1982


Ce petit rappel est important car de plus en plus la charge semble s'inverser quand on parle d'antifascisme. Il devient même de plus en plus fréquent dans la bouche et sous la plume de gens de gauche de voir traiter celles et ceux qui se revendique de l'antifascisme... de fascistes !
Éclaircissons donc un premier point avant d'entrer dans le vif du sujet. L'antifascisme est tout autant que le « fascsime » que nous combattons divers. Pour en avoir une idée plus précise je ne peux que vous enjoindre à lire le texte de Réflexes, repris sur le site de la Horde.
L'antifascisme dont je me revendique est issu du mouvement antifasciste radical, un mouvement qui n'appréhende la lutte contre le fascisme que comme une des base d'un mouvement révolutionnaire et émancipateur...
De même ce que nous pouvons classé sous le vocable de « fascisme » mériterait certainement une analyse plus précise tant les différences entre les mouvements catholiques intégristes, les royalistes, les néo-païens, les nationalistes révolutionnaires ou l'extrême droite électoraliste peuvent apparaître importantes. Toute fois entre ces différents mouvement il existe quelques constantes qui les démarques de partis démocratiques, même réactionnaires tels que l'UMP. N'oublions pas non plus que les mouvements qui ont mené le monde à la guerre dans les années 30 étaient loin d'être unifiés idéologiquement. Entre le nazisme, le fascisme historique italien et le franquisme il y a tout de même des divergences significatives... Mais ce n'est pas le propos de ce billet.

A lire les attaques dont celles et ceux qui ici et ailleurs se revendiquent d'un antifascisme radical sont l'objet, de la part d'hommes et de femmes de gauche, il semble que ces derniers oublient cette évidence que la citation de Desproges nous rappelle fort à propos : c'est bien le fascisme, cette vision autoritaire et totalitaire de la société qui désigne celles et ceux qui sortent du cadre stricte de leur vision du monde à la vindicte : immigrés, juifs, homosexuels, drogués, prostituées, etc.
Et si en temps de crise, les partis de la réactions (et même certains partis de gauche institutionnelle) ont une fâcheuse tendance à reprendre cette rhétorique avec plus ou moins de facilité, c'est plus par opportunisme ou calcul électoraliste... voir même selon certains discours afin de siphonner l'électorat extrémiste ! (Reprendre les idées des fachos pour les empêcher de prendre le pouvoir découle d'une logique partidaire à laquelle je suis totalement étranger.)

S'il peut s'habiller au grès des situations d'une parure plus ou moins sociale, le fascisme s'oppose de toutes ses tripes à l'idée d'émancipation sociale. La vision autoritaire que développe la pensée fasciste ne conçoit pas que le peuple puisse gérer la société, que le prolétariat puisse prendre son destin entre ses mains. Dans cette vision du monde, les organisations sociales, féministes, les syndicats, l'ensemble des secteurs où le peuple s'organise par lui-même et pour lui-même sont perçus comme dangereux pour l'ordre social. Le peuple n'est pensé qu'en tant que masse devant obéir à un chef traçant la voie du pays, grâce à une vision claire au service de la puissance de la nation. En cela, il n'est pas d'essence démocratique, même si tactiquement, il peut utiliser le jeux électoral pour accéder au pouvoir.
Ce recours à un dieu, à un césar, à un tribun va à l'encontre du mouvement émancipateur dont l'antifascisme radical se revendique. Oui, nous pensons que les prolétaires sont capables d'organiser la société, sans recours aux présidents, directeurs et autres généraux... qu'ils soient de droits divins ou de droits électoral.

L'acceptation de cette idée d'un guide suprême n'est possible dans le peuple qu'en adéquation avec une exaltation de la nation, de la patrie. En effet, le chef représente le garant de l'intérêt national, dépassant les intérêts de classes. Un discours qui s'évertue, parfois subtilement pour s'ouvrir quelques portes à gauche, à confondre souveraineté populaire et souveraineté nationale. Mais derrière cette tromperie linguistique c'est encore une fois une tentative de récupération du mouvement social et de son émancipation. Car cette confusion sémantique se révèle dans les faits un renversement total de la logique. En confondant ainsi intérêts du pays et du peuple on valide par là-même cette idée que patrons et travailleurs doivent composer pour l'intérêt supérieur de la nation. Là encore aucune volonté émancipatrice pour le peuple dans l'idéal fasciste. L'idée que les travailleurs ne peuvent se passer des patrons est la continuité de l'idée que le peuple a besoin d'un chef ou que la famille s'organise autour de l'homme. On en vient alors logiquement à préférer les patrons de son pays, discours d'autant plus audible que l'esprit d'entreprise vanté par les tenants libéraux de nos économies, qu'ils soient de droite ou de gauche, finit par nous faire croire que l'important est de produire, toujours plus, toujours moins cher afin de relancer la croissance... dans l'intérêt supérieur de la nation. Sans aucune considération à la base des besoin des hommes et des femmes, ni prise en compte de l'environnement. Aucune réflexion sur le pourquoi et le comment de nos productions. Le fascisme ne se distingue en cela qu'aux marges des politiques économiques actuelles.
En cela aussi, lorsqu'à gauche certains tentent de surfer sur le patriotisme économique ils se trompent de combat. Que signifie de vouloir taxer par exemple Total ? Total exploite les ressources des sous-sols d'un certain nombre de pays. Ce qui revient, dans un système concurrentiel à spolier ces pays d'une partie de leurs richesses. Les retombées pour les pays hôtes sont de deux ordres : des taxes et des salaires. Les unes vont dans les caisses de l'état, les autres dans les poches des travailleurs. Rapatrier les bénéfices d'une entreprise comme Total revient à valider l'idée que l'entreprise appartient à ses dirigeants et pas aux travailleurs. Car sinon, il n'y a aucune raison que les bénéfices produit par les travailleurs dans un pays servent les intérêts des travailleurs du pays des dirigeants. C'est soumettre la valeur ajouté du travail à la nationalité de l'entreprise, de ses capitaux ou de ses dirigeants. Rien ici qui puisse se revendiquer d'une vision pour l'émancipation des travailleurs.
Cette confusion est aussi la conséquence d'un discours répandue à gauche qui prétend que les frontières seraient les garantes des intérêts des travailleurs, que c'est la mondialisation économique qui tend à abolir les frontières. Quoi de plus faux quand on voit comme le patronat et les grandes entreprises jouent des différences de protection sociale de chaque pays pour maximiser leurs bénéfices. Les gouvernements quant à eux jouent des délocalisations pour attaquer nos droits. Car si les barrières se lèvent pour les marchandises et les capitaux, il n'en va pas de même pour les droits sociaux ni pour les hommes et les femmes. Poussé à l'extrême ce raisonnement valide l'antienne fasciste « le travail pour les nationaux », que l'on décline ensuite sur les allocations sociales, les soins, l'accès au logement, le droit de vote... Les peuples n'ont décidément rien à espérer d'un repli nationaliste.
L'antifascisme que j'espère partager avec vous, sur antifa-net est avant tout une lutte pour l'émancipation, pour la reconnaissance de la diversité, un combat pour l'égalité économique, politique et social, pour la liberté des peuples à s'organiser horizontalement dans une société sans classes, ni gouvernement centralisé, ni normes imposées.

Si aujourd'hui certains à gauche préfèrent dialoguer avec les fascistes, tout en désignant les « antifas » comme des inquisiteurs, c'est peut-être bien le signe le plus inquiétant du glissement à droite de l'échiquier politique. Car, à part quelques putschistes en puissance, la plus part des partis fascistes ont opté, dans une Europe pacifiée, pour une conquête du pouvoir par les urnes. Et dans toute élection, les voix ne se portent pas toujours sur un candidat par choix, mais aussi par dépit, par repoussoir, etc. Ce n'est donc pas un peuple majoritairement fasciste qui porte au pouvoir un parti fasciste... mais des calculs électoraux qui échappent à toute tentatives d'explications simplistes.
Si des partis fascistes doivent arriver au pouvoir, ce sera plus certainement par la perméabilité de certains thèmes entre l'extrême droite et une partie de la gauche, et la faillite d'une gauche libérale. Jouer avec les thèmes de l'extrême droite est non seulement un pari risqué dans le jeux démocratique, plus encore en période de crise, mais c'est surtout un renoncement à cette idée d'émancipation, cette volonté d'aller au-delà des contraintes de l'époque en inventant un nouveau vivre ensemble.
Cette porosité rouge-brune naît plus encore des passerelles que tissent certains entre une partie de la gauche anti-libérale et des individus de droites plus ou moins extrêmes. C'est au travers des thèses conspirationnistes, d'une écologie plus kaki que verte ou d'un socialisme teinté de nationalisme, que les solutions fascistes infusent aujourd'hui dans la société, bien au-delà du cercle restreint de l'influence des mouvements d'extrême-droite.
Les antifascistes seraient devenus les pourfendeurs de la liberté d'expression ? Mais la mouvance fasciste n'a-t-elle pas tout le loisir de s'exprimer dans sa presse, et même plus largement dans les médias dominants ? Pour quelles raisons devrions-nous leur donner la parole dans les quelques espaces où ils n'ont pas tribunes ouvertes ? Ceux qui accusent les antifas de sectarisme en prétextant notre refus de joindre nos voix aux fascistes, en leur ouvrant les colonnes de notre presse, portent une responsabilité dans le confusionnisme idéologique actuel.
Quant à dialoguer avec l'extrême droite, sous prétexte à la fois d'ouverture à toutes les idées pour sortir de la crise, ou en espérant pouvoir convaincre les électeurs de partis fascisants, cette stratégie est voué à l'échec. Car, en dialoguant avec des fachos dans le cadre de débats, qui peut-on espérer convaincre ? Les contradicteurs de l'extrême-droite, dont on peut penser qu'ils sont idéologiquement formés ? Le public de ces débats organisés par des mouvements fascisants ? Ils ne constituent de toute façon pas la majorité des électeurs susceptibles de faire pencher la balance d'un côté ou de l'autre. Au contraire, c'est délivrer une caution démocratique à des écoles de pensées que l'idée du peuple organisé révulse... dès qu'il a glissé son bulletin dans l'urne, pour les mouvements fascistes qui ont fait le choix des urnes. Si vraiment ceux qui prônent le débat avec les fascistes souhaitent convaincre celles et ceux qui peuvent tendre du « côté obscur de la force », ils devraient se battre pour que la liberté d'expression qu'ils défendent pour des mouvements fascistes soit donnée aux forces de l'émancipation social, qui combattent le capitalisme et qui ne bénéficient pas de cette même exposition médiatique.
Quant à trouver des idées de justice social, d'égalité politique ou de libertés individuelles et collectives dans les thèses fascistes ça ne peut résulter que d'une grande confusion mentale nourrie de longues soirées à refaire non pas le monde, mais les nations, avec les débatteurs de l'extrême-droite. Les attaques contre l'antifascisme radical ressemble moins à une attaque contre l'antifascisme que contre la radicalité dont nous sommes porteurs... une attaque en règle contre l'émancipation du peuple !

Non, décidément on ne dialogue pas avec le fascisme, on le combat !
Le fascisme c'est la gangrène, on l'élimine ou on en crève !