"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

03/11/2008

Carte Mexicaine n°1, Plan9, octobre 2008

Détail d’une des peintures murales du palais du gouvernement de la ville d’Aguascalientes

Contre addiction

¡ Viva la Virgen de Guadalupe ! ¡ Viva Fernando VII ! ¡ Abajo el mal gobierno ! (1)

El grito ! Le cri. Celui qui le 16 septembre 1810 marqua le début des 11 années de la guerre d’indépendance. Le cri lancé par un prêtre créole,Miguel Hidalgo et réitéré chaque année dans tout le Mexique. Nés en Nouvelle Espagne, les créoles étaient cantonnés à la figuration dans la mise en scène d’une société où les Espagnols avaient les beaux rôles. Comme une anti-Malinche,une présence féminine hante l’histoire de l’indépendance : Josefa Ortiz de Dominguez, la Corregidora. Créole elle aussi, elle se lie d’amitié avec Miguel Hidalgo, aux cours de réunions secrètes et littéraires. On y lit Rousseau, Voltaire et on s’y abreuve des Lumières françaises que tente d’éteindre l’Inquisition. La révolution française est encore fraîche, l’Indépendance des Etats-Unis aussi. L’Espagne est affaiblie et occupée par les troupes de Napoléon.
L’époque est propice à la révolte. Josefa convainc son mari, pourtant représentant du Roi d’Espagne à Querétaro, d’abriter des réunions dont la tournure est de plus en plus politique. Les insurgentes entassent des armes et prévoient de déclencher la révolte contre le mauvais gouvernement le 1er octobre. Mais le 13 septembre ils sont dénoncés par un espion loyaliste. Le mari de Josefa, le corregidor, reçoit ordre de démanteler le mouvement indépendantiste. Il fait enfermer sa femme dans sa chambre mais elle parvient à prévenir Hidalgo. Trois jours plus tard, à l’aube, le père de l’Indépendance pousse son cri de Dolores.
Josefa est jugée coupable et incarcérée au monastère de Santa Clara avant d’être transférée, à cause de son caractère rebelle, dans l’Abbaye – de Haute Sécurité – de Santa Catalina de Sena. En 1817, elle fait le serment de ne plus apporter son soutien aux insurgés et est libérée. Peu après l’Indépendance, l’empereur du Mexique Augustin de Iturbe lui propose de devenir dame de compagnie de son épouse. Elle refuse. Elle s’était battue pour une république, pas pour un empire. Jusqu’au bout de sa vie en 1829, elle côtoiera les milieux radicaux de l’époque. Elle n’accepta de son vivant aucune récompense pour son patriotisme. Enterrée à l’Abbaye Santa Catalina ses restes seront ensuite déplacés à Querétaro.
Lors de la colonisation, la Malinche avait trahi les siens, ouvrant l’histoire à un Mexique métis. Presque 3 siècles plus tard, une créole aidait à délivrer le pays du joug espagnol. Le 15 septembre 2008 au soir, aux vivas de la foule se sont mêlés des cris de terreur. Des cris qui ont déchiré le voile du rêve de l’Indépendance et dévoilé la réalité de l’emprise des cartels de la dépendance sur le pays. A Morelia, ville natale de la Corregidora et de l’actuel président mexicain, la guerre de la drogue (2) a explosé en public. Deux grenades jetées dans la foule pour un empire. Du sang et des cris.

(1) Vive Notre-Dame de Guadalupe! Vive Fernando VII ! A bas le mauvais gouvernement !

(2) La guerre de la drogue a fait plus de 3000 morts depuis le début de l’année. Les différents services de police sont corrompus. Le président Calderon joue pourtant la carte répressive et la France continue d’armer et de former certains policiers.

Article paru sur le site culturel strasbourgeois Plan9

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