"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

25/06/2008

Cartes mexicaines - Poly avril 2007

piment, chocolat et tortillas

Yo soy como el chile verde,
Llorona, picante pero sabroso (1)




On raconte qu’au XVIe siècle, les sœurs du couvent de Santa Rosa, à Puebla, ont inventé le mole. Prises de court par la visite de l’Archevêque, elles déposèrent tous les ingrédients à leur disposition sur la table. Elles mélangèrent les incontournables piments, des amandes, des tomates, de l’ail et des oignons, des bananes, des raisins secs, des herbes aromatiques, des épices, etc. Enfin, elles ajoutèrent un peu de chocolat amer. Le mole, dérivé du mot sauce en nahuatl, fut servi avec une dinde et des tortillas. Le prélat fut ravi et la sauce devint l’un des plats typiques du pays. Au fil du temps, de nombreuses régions se le sont réapproprié. Il y a aujourd’hui du mole rouge, du noir, du vert, du jaune... Certains sont simples à réaliser quand d’autres nécessitent de longues heures et une bonne centaine d’ingrédients.
Les livres de cuisine nous content ainsi l’histoire aussi bien qu’un ouvrage spécialisé.
L’an dernier, lors de mon premier séjour en terre mexicaine, je suis passé à San Cristobal de las Casas, au Chiapas. Quelques semaines auparavant une école de cacao avait ouvert. Tout en y préparant de petits dulces mayas (de petits bonbons de cacao), j’appris l’histoire de la fève amère. Cette dernière était bien connue des mayas et des aztèques, autant pour son goût que pour ses vertus curatives. Pourtant lorsque les Européens découvrirent le nouveau monde, ils n’avaient de papilles que pour le café. Ce dernier remplaça le cacao, dans d’immenses plantations, et tout un pan de la culture locale fut annihilé. L’atelier de cacao de San Cristobal est un moyen de réveiller une saveur oubliée.
Un goût qui a traversé le temps, c’est celui du piment. Il en existe une infinie variété, au piquant plus ou moins prononcé. Vert, jaune, rouge, il est partout, jusque sur les sucettes et les fruits ! De récentes recherches font remonter son usage sur le continent à plus de 6000 ans. Sa domestication a été, pour certains peuples précolombiens, antérieure à l’art de la poterie. Aujourd’hui beaucoup des piments consommés au Mexique viennent du Sud des USA. Mais c’est la main d’œuvre latino qui donne sa couronne aux nouveaux rois du piment.
Les gringos sont aussi passés maîtres du maïs. Au Mexique, les tortillas remplacent notre pain, comme base de l’alimentation des plus pauvres. Beaucoup de peuples indigènes se disent « Hommes de maïs », évoquant le caractère sacré de la céréale. Au début de l’année son prix a flambé, provoquant de nombreuses manifestations. La concurrence est rude pour les petits producteurs, d’autant que le maïs est de plus en plus utilisé comme biocarburant. Encore un ingrédient de la culture mexicaine qui risque de passer à la moulinette libérale…

1 : Je suis comme le piment vert, pleureuse, piquant mais savoureux. Extrait de Llorona, chanson traditionnelle ranchera.

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