"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

10/01/2011

Histoire d'eau


Même la pluie est un film au titre poétique qui embarque le spectateur pour un triple périple. Il nous emmène tout d'abord en Bolivie avec l'équipe de tournage d'un film historique mené par un jeune réalisateur idéaliste, sebastian (Gael Garcia Bernal) et son producteur, Costa (Luis Tosar), quelque peu cynique.
Même la pluie nous mène ainsi au pied de sa propre mise en abîme, puisque nous entrons dans le film historique sur les pas des premiers colons du nouveau monde. La reconstitution met en scène la divergence de points de vue entre d'un côté Christophe Colomb, et de l'autre Bartolomé de las Casas et Antoni de Montesinos, deux prêtres qui prirent la défense des indigènes face aux exactions de leurs compatriotes.
Enfin, Même la pluie nous embarque pour un autre voyage, au cœur de la guerre de l'eau qui secoua Cochabamba au début des années 2000. La jonction entre ces trois voyages se fait par l'intermédiaire de Carlos Aduviri qui incarne Daniel, acteur principal et amateur du film historique, et donc aussi Hatuey, indien en révolte contre les colons espagnols en 1511. Mais Daniel est aussi un leader indigène d'un quartier pauvre en lutte pour l'eau et contre sa privatisation.
Le scénario fonctionne très bien et permet un parallèle intéressant entre la conquista et la mondialisation actuelle. Même la pluie redouble de pas de deux au bord de l'abîme, sans jamais tomber dans la lourdeur. Malgré son caractère engagé, le film parvient à éviter l'écueil des (trop) bons sentiments: le réalisateur idéaliste s'emmêle ainsi un peu les arguments quand il demande au gouverneur comment il pense que des gens qui gagnent 2 dollars par jour peuvent supporter une augmentation de 300% et que le politicien lui réplique que 2 dollars c'est justement ce qu'il paie ses figurants.
Le film interroge l'engagement de l'art en confrontant les artistes à une réalité forte, mais évite la facilité en ne donnant ni réponse ni leçon. Au final, on sort le cœur lourd du film et de la salle tant on a l'impression de laisser les boliviens seuls face à leur réalité.
Pourtant, en filmant la fabrique d'un film et en faisant l’un des pans de l'histoire, Iciar Bollain et Paul Laverty (scénariste de Ken Loach) enlèvent un peu de la magie du cinéma. Un manque qui peut se comprendre tant le thème est plutôt grave ; mais une petite carence de poésie qui empêche finalement l'œuvre de se hisser au rang de chef d'œuvre.


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