"La plume est la langue de la pensée"
Miguel de Cervantes Saavedra

21/03/2009

Histoires d’eaux amères (3/4)

Des instantanés de notre envoyé especial à Aguascalientes



La fève de cacao serait née au Mexique et pourtant pour beaucoup d’Hydrocalidos (1), comme pour leurs compatriotes, le chocolat est principalement européen et à croquer. La chocolaterie d’Aguascalientes tente de regagner le palais des Mexicains. Parmi les chocolatiers nous avons rencontré Olivier, qui nous parle de la fabrication de ce chocolat.

La confection du chocolat est un processus rendu difficile par la consistance de la fève, son caractère selon Olivier.
« Le cacao est capricieux. Parfois le mélange fève - beurre de cacao ne se fait pas bien. » L’industrie du chocolat utilise alors un émulsifiant, la lécithine de soja. Le chocolat ainsi obtenu est bien différent de celui fait à la chocolaterie, les jours où tourne le broyeur, derrière la baie vitrée qui sépare producteurs au travail et consommateurs attablés. Par rapport à l’époque des Aztèques le procédé utilisé est plus industrialisé afin de produire une quantité plus importante de chocolat et de survivre économiquement. « Il faut savoir s’adapter à la modernité tout en gardant les savoir-faire des anciens », confie Olivier.
Nos chocolatiers achètent les fèves au Chiapas, à de petits producteurs mayas qui travaillent avec des méthodes traditionnelles.
« Lorsque le fruit, la cabosse, est mûr, ils le coupent en deux à la machette et dans la pulpe blanche récupèrent les fèves, qu’ils nettoient et font sécher. » Elles sont ensuite envoyées à Aguascalientes.
« Pour nous, la première étape c’est le nettoyage, fève par fève. Dans la jungle elles sèchent sur de grandes étendues, il peut donc y avoir des cailloux, des cheveux, du piment. » Les fèves propres sont torrefiées. Les Aztèques utilisaient le comal, « une sorte de grande poêle pour les tortillas. C’était la flamme qui cuisait les fèves comme dans notre machine, qui ressemble à celle utilisée pour torréfier le café. La torréfaction aide à révéler les saveurs de la fève. C’est très important. » Elle permet en outre d’éliminer toute l’humidité contenue dans le cacao et qui pourrait gâter la fève. « Une des particularités de notre manière de faire très artisanale, c’est que chaque fois le chocolat a un goût différent, un peu comme le vin. » Les saveurs dépendent des pluies, des températures, du soleil… « Un vin millésimé est meilleur que celui d’une autre année parce qu’il a bénéficié d’un meilleur ensoleillement… c’est pareil pour le cacao ! » Nos chocolatiers adaptent la torréfaction à chaque cuvée pour faire ressortir les arômes de la fève. « Les grands fabricants mélangent différents cacaos pour obtenir une saveur uniforme afin que les gens s’y retrouvent. Nous ce qui nous intéresse c’est d’acheter le même cacao et de nous adapter à son goût. »


L’anniversaire de la chocolaterie d’Aguascalientes, par Stéphane Ripoche from sylvia dubost on Vimeo.

Entre la torréfaction et le broyage, il faut enlever la petite peau qui protège la fève « car cette écorce n’a pas de goût et ne sert à rien dans l’élaboration du chocolat. »
Le broyage constitue une étape primordiale pour la texture du chocolat. Les Aztèques broyaient la fève avec un metate et une sorte de petit rouleau en pierre. Une flamme maintenait l’ensemble à température. À la chocolaterie, ils utilisent une machine dont les pierres sont, comme à l’époque, d’origine volcanique. « La plupart des machines à broyer sont faites avec de l’acier et l’acier donne un goût… C’est comme de battre le chocolat avec un molinillo (2) ou avec un robot. Le goût n’est pas le même. »
À chaque nouveau passage dans le broyeur, la pâte devient plus fluide. Il faut recommencer encore et encore. « Jusqu’à obtenir la texture voulue. Ça va dépendre de la fève. Pour obtenir le chocolat à boire on ajoute du sucre, une fois bien mélangé on passe au moulage. Comme le sucre est granuleux l’ensemble n’est pas liquide, tu ne peux pas juste faire couler. » Il faut mettre la main à la pâte.
Une fois obtenu le chocolat, les anciens peuples y mélangeaient différentes fleurs ou épices, des miels et de l’eau. A la chocolaterie, aux saveurs préhispaniques se sont ajoutées des goûts plus contemporains. Comme un va et vient entre l’ancien et le nouveau monde…


1 : ou Aguascalientenses, habitants d’Aguascalientes.
2 : type de moulinette en bois servant à mixer le cacao et l’eau ou le lait.

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