Depuis que le président Calderon a engagé sa guerre contre les cartels de la drogue, le Mexique connaît une vague de violence sans précédent : depuis le début de 2008 plus de 3000 morts, et près de 60 rien qu’à Aguascalientes. Une vague sanglante sur laquelle surfe le président pour renforcer sa politique sécuritaire. À la guerre aux cartels s’est greffée celle entre les organisations criminelles. Cette double guerre engendre également une lutte entre les services de police. Si les affrontements laissent derrière eux une coulée de sang, la guerre se déroule également sur le terrain de la communication.
« Monsieur le narco-président, si vous voulez que cesse l’insécurité arrêtez de protéger des narcotrafiquants comme le Chapo Guzman, Ismael el mayo Sambada, la Familia Michoacana et les élus des partis qui tout comme vous sont des narcos, comme vos prédécesseurs, depuis 40 années de narcogouvernance. » En réponse aux manifestations contre les violences organisées le 30 août, et avant le discours présidentiel du 1er septembre, dans tout le pays les narcos s’essayaient à une nouvelle forme de communication. De manière coordonnée, les organisations criminelles affichaient leur défiance vis-à-vis du pouvoir. Sur de grandes banderoles, des narcomantas, accrochées sur des ponts, des édifices ou à Aguascalientes sur la cathédrale, presque toujours les mêmes mots pour accuser de complicité avec certains cartels le président Calderon, des gouverneurs ou des commandants de l’armée.
Les narcos investissent aussi le net et notamment YouTube. Des clips mettant en scène, sur fond de narcorrido (musique chantant les exploits des narcos), les exploits des sicaires. Le gouvernement fédéral, lui, se répand en spots, télé et radio, tours à tours vindicatifs ou triomphants pour, aux dires de juristes et de l’opposition de gauche, des résultats insignifiants dans cette guerre contre la criminalité engagé par Calderon dès le début de son mandat en 2006. Pourtant la ligne répressive se renforce toujours plus, jusqu’à la militarisation… 40 ans après le massacre de Tlatelolco (1). Le Ministère de la Sécurité Publique (Secretaria de Seguridad Publica) par exemple devrait voir en 2009 ses attributions augmentées de près de 50% ! Lors de son second informe (2), le président Calderon a, selon le magazine Proceso, parlé d’un Mexique imaginaire, bien loin de la réalité du pays. Pourtant, malgré les mots, les morts s’accumulent. Des morts et des mots dont se servent aussi les cartels.
Le 12 septembre, alors que Calderon prononçait un énième discours sécuritaire, la police découvrait 24 corps aux portes de la capitale fédérale. Un message sanglant envoyé aux autorités. Du nord au sud, les sicaires signent leurs forfaits dans une escalade imagée : corps décapités, corps entassés, corps disséminés…
Le 15 septembre, alors que Morelia commémorait l’indépendance du pays, un attentat à la grenade ensanglantait la soirée. Comme pour signifier que l’indépendance reste à conquérir vis-à-vis des cartels de la dépendance. L’attentat a fait une dizaine de morts. Jusqu’à présent la population civile avait été plutôt épargnée. Le cartel de l’Etat du Michoacan et principal suspect, la Familia, s’est fendue de plusieurs communiqués, envoyés aux journalistes par SMS, à travers lesquels ils se disculpent et offrent de faire la chasse aux assassins : « Nous vous promettons de faire justice parce que nous sommes michoacanos et que nous sommes unis à la société contre des actions qui altèrent la paix et génèrent la tension que l’on vit aujourd’hui. Nous n’aurons de repos avant d’avoir retrouvé les coupables. » Derrière cet élan narcocitoyen, une autre vérité émerge : la guerre des cartels. En effet, la Familia tient pour responsables de l’attentat les Zetas, un groupe de tueurs du cartel du Golf. Les autorités quant à elles penchent pour un acte perpétré par le cartel local afin de renforcer la présence policière et freiner l’implantation des Zetas.
Dans l’Etat voisin d’Aguascalientes, la politique répressive de Calderon a mis le feu à la poudrière. Jusqu’alors considéré par les cartels comme une zone neutre, beaucoup y ayant installé famille et maisons de sécurité, l’Etat connaît depuis début 2007 une hausse importante des morts violentes. Les premiers morts, 3 policiers vraisemblablement impliqués dans le narcotrafic, ont fait les frais d’une reprise en main de la ville par les cartels. Depuis les cadavres se sont accumulés : le chef de la police de la commune de Rincon de Romos, celui de la police de l’Etat, trois policiers fédéraux… entre beaucoup d’autres.
L’offensive criminelle a déclenché une nouvelle étape dans la militarisation du pays. Depuis le début du mois de septembre, la Police Fédérale Préventive – police paramilitaire qui s’est tristement illustrée par ses violations répétées des droits humains notamment à Atenco en 2006 puis lors du long conflit du Oaxaca – appuyée par l’armée est régulièrement engagée dans des opérations d’épuration des différents corps de police. Quelques jours après Rincon de Romos le 3 de ce mois, une opération militaro-policière s’attaquait à la corruption de la police de Villahermosa dans l’Etat du Tabasco. Les affrontements entre les forces fédérales et locales y ont coûté la vie à un policier. De nombreuses arrestations ont également eu lieu parmi les forces de polices locales.
Les narcos investissent aussi le net et notamment YouTube. Des clips mettant en scène, sur fond de narcorrido (musique chantant les exploits des narcos), les exploits des sicaires. Le gouvernement fédéral, lui, se répand en spots, télé et radio, tours à tours vindicatifs ou triomphants pour, aux dires de juristes et de l’opposition de gauche, des résultats insignifiants dans cette guerre contre la criminalité engagé par Calderon dès le début de son mandat en 2006. Pourtant la ligne répressive se renforce toujours plus, jusqu’à la militarisation… 40 ans après le massacre de Tlatelolco (1). Le Ministère de la Sécurité Publique (Secretaria de Seguridad Publica) par exemple devrait voir en 2009 ses attributions augmentées de près de 50% ! Lors de son second informe (2), le président Calderon a, selon le magazine Proceso, parlé d’un Mexique imaginaire, bien loin de la réalité du pays. Pourtant, malgré les mots, les morts s’accumulent. Des morts et des mots dont se servent aussi les cartels.
Le 12 septembre, alors que Calderon prononçait un énième discours sécuritaire, la police découvrait 24 corps aux portes de la capitale fédérale. Un message sanglant envoyé aux autorités. Du nord au sud, les sicaires signent leurs forfaits dans une escalade imagée : corps décapités, corps entassés, corps disséminés…
Le 15 septembre, alors que Morelia commémorait l’indépendance du pays, un attentat à la grenade ensanglantait la soirée. Comme pour signifier que l’indépendance reste à conquérir vis-à-vis des cartels de la dépendance. L’attentat a fait une dizaine de morts. Jusqu’à présent la population civile avait été plutôt épargnée. Le cartel de l’Etat du Michoacan et principal suspect, la Familia, s’est fendue de plusieurs communiqués, envoyés aux journalistes par SMS, à travers lesquels ils se disculpent et offrent de faire la chasse aux assassins : « Nous vous promettons de faire justice parce que nous sommes michoacanos et que nous sommes unis à la société contre des actions qui altèrent la paix et génèrent la tension que l’on vit aujourd’hui. Nous n’aurons de repos avant d’avoir retrouvé les coupables. » Derrière cet élan narcocitoyen, une autre vérité émerge : la guerre des cartels. En effet, la Familia tient pour responsables de l’attentat les Zetas, un groupe de tueurs du cartel du Golf. Les autorités quant à elles penchent pour un acte perpétré par le cartel local afin de renforcer la présence policière et freiner l’implantation des Zetas.
Dans l’Etat voisin d’Aguascalientes, la politique répressive de Calderon a mis le feu à la poudrière. Jusqu’alors considéré par les cartels comme une zone neutre, beaucoup y ayant installé famille et maisons de sécurité, l’Etat connaît depuis début 2007 une hausse importante des morts violentes. Les premiers morts, 3 policiers vraisemblablement impliqués dans le narcotrafic, ont fait les frais d’une reprise en main de la ville par les cartels. Depuis les cadavres se sont accumulés : le chef de la police de la commune de Rincon de Romos, celui de la police de l’Etat, trois policiers fédéraux… entre beaucoup d’autres.
L’offensive criminelle a déclenché une nouvelle étape dans la militarisation du pays. Depuis le début du mois de septembre, la Police Fédérale Préventive – police paramilitaire qui s’est tristement illustrée par ses violations répétées des droits humains notamment à Atenco en 2006 puis lors du long conflit du Oaxaca – appuyée par l’armée est régulièrement engagée dans des opérations d’épuration des différents corps de police. Quelques jours après Rincon de Romos le 3 de ce mois, une opération militaro-policière s’attaquait à la corruption de la police de Villahermosa dans l’Etat du Tabasco. Les affrontements entre les forces fédérales et locales y ont coûté la vie à un policier. De nombreuses arrestations ont également eu lieu parmi les forces de polices locales.
Le 18 septembre au matin, à l’heure du changement d’équipes, les forces fédérales ont investit le siège de la police municipale d’Aguascalientes, ainsi que les différents commissariat de quartiers, ont désarmé les policiers et enquêté sur la corruption des municipaux.. Les responsables de la ville, de l’Etat et de la fédération ont vanté une opération qui n’a causé ni morts, ni affrontements. Les politiciens locaux affirmaient qu’il fallait rétablir la confiance des citoyens dans leur police. Le maire de la ville déplorait les agissements de « pseudo-policiers qui ont sali le nom et l’honneur de cette institution, qui a pour vocation d’apporter la sécurité aux familles d’Aguascalientes. » Les dirigeants expliquaient que la décision de l’opération avait été prise suite à la demande pressante de la population. Fin août, c’est pourtant le président de la Canacintra, organisation patronale, qui réclamait l’intervention de l’armée pour mettre fin à l’incurie de la police, à la corruption omniprésente. Samedi 18 octobre, dans une interview au Sol del centro (Le soleil du centre, journal d’Aguascalientes), le gouverneur de l’Etat reconnaissait que près de 40% des policiers locaux étaient corrompus.
Une corruption qui, au niveau national est au centre des enjeux puisque le président Calderon en a fait l’une de ses priorités… tout en réduisant le budget du Ministère de la Fonction Publique (Secretaria de la Funcion Publica) chargé de surveiller les fonctionnaires et la gestion des deniers publics. Une corruption dont les victimes sont à chercher parmi les plus démunis. Racket de la police d’un côté et manque de moyens pour la prévention, l’éducation ou la santé.
Mais dès le vendredi, à Aguascalientes, le coup de force tournait à la farce : 20 des 38 policiers arrêtés la veille déposaient plainte contre la PFP pour torture, perquisitions illégales et vols. Selon les témoignages de certains des policiers municipaux, ils ont fait l’objet de menaces et d’humiliations physiques et psychologiques. Pourtant, après 15h de garde à vue tous les policiers soupçonnés étaient libres. Les fédéraux les ayant relâchés aux quatre coins de la ville, dans des zones isolées et les poches vidées ! Plus grotesque, comme titrait en Une le quotidien Pagina 24, certains des policiers soupçonnés d’actions criminelles laissaient entendre que l’opération fédérale n’était qu’un coup de com’. Sous prétexte d’épurer la police municipale, la PFP n’aurait cherché qu’à venger la mort, le 17 septembre, de 3 de ses agents. Meurtres pour lesquels un policier municipal avait été appréhendé.
Cet imbroglio policier illustre parfaitement le brouillage du discours gouvernemental, entre rêve autoritaire et réalité corrompue. Un message qui a bien du mal à se faire entendre face à l’artillerie de la narcommunication. Difficile dans cette cacophonie pour les Mexicains d’entendre la voix de la raison et de la paix.
Une corruption qui, au niveau national est au centre des enjeux puisque le président Calderon en a fait l’une de ses priorités… tout en réduisant le budget du Ministère de la Fonction Publique (Secretaria de la Funcion Publica) chargé de surveiller les fonctionnaires et la gestion des deniers publics. Une corruption dont les victimes sont à chercher parmi les plus démunis. Racket de la police d’un côté et manque de moyens pour la prévention, l’éducation ou la santé.
Mais dès le vendredi, à Aguascalientes, le coup de force tournait à la farce : 20 des 38 policiers arrêtés la veille déposaient plainte contre la PFP pour torture, perquisitions illégales et vols. Selon les témoignages de certains des policiers municipaux, ils ont fait l’objet de menaces et d’humiliations physiques et psychologiques. Pourtant, après 15h de garde à vue tous les policiers soupçonnés étaient libres. Les fédéraux les ayant relâchés aux quatre coins de la ville, dans des zones isolées et les poches vidées ! Plus grotesque, comme titrait en Une le quotidien Pagina 24, certains des policiers soupçonnés d’actions criminelles laissaient entendre que l’opération fédérale n’était qu’un coup de com’. Sous prétexte d’épurer la police municipale, la PFP n’aurait cherché qu’à venger la mort, le 17 septembre, de 3 de ses agents. Meurtres pour lesquels un policier municipal avait été appréhendé.
Cet imbroglio policier illustre parfaitement le brouillage du discours gouvernemental, entre rêve autoritaire et réalité corrompue. Un message qui a bien du mal à se faire entendre face à l’artillerie de la narcommunication. Difficile dans cette cacophonie pour les Mexicains d’entendre la voix de la raison et de la paix.
1 : Le 2 octobre 68, à quelques heures de l’ouverture des JO de mexico, l’armée ouvrait le feu sur une manifestation, laissant sur le carreau de la Place des 3 cultures près de 300 morts.
2 : Sorte de discours à la nation du président mexicain, chaque 1er septembre.
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